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25.12.04
 
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Ken MacLeod : « La division Cassini »
Editions J’ai lu, collection « Millénaires » (2003).
Edition originale : « The Cassini Division » (1998).
Traduit par Bernadette Emerich.

Merci à Melodius de m’avoir signalé l’existence de ce roman.

Ken MacLeod est écossais. Il a déjà publié plusieurs romans de Science Fiction qui ensemble constituent une « histoire du futur » cohérente et détaillée et dont les péripéties vont de la fin du vingtième au vingt-quatrième siècle de notre ère.
« La division Cassini » est le premier roman traduit en français de cet auteur, ce qui fait que nous sommes privé de tout ce qui a précédé l’année 2303, point de départ de ce récit. Il faut donc parfois tenter de lire entre les lignes. Heureusement quelques séquences en « flash-back » racontent certains épisodes du passé...
Deux dimensions dans ce roman : d’une part, il s’agit d’un space opera avec exploration du système solaire, nouvelle planète à coloniser, nanotechnologies, etc. ; d’autre part, ce roman est truffé de considérations politiques sur les mérites respectifs des différentes sociétés humaines qui interagissent dans le récit et qui sont organisées selon des principes bien différents les unes des autres.

Dans notre avenir proche en tout cas, alors que la colonisation du système solaire a commencé, les Verts prennent le pouvoir et instaurent un régime obscurantiste et anti-technologique sur Terre.
Cette société est victime de la « Peste Verte » puis du « Crash » en 2098. La première est une série d’épidémies très meurtrières et le second un effondrement du système informatique mondial provoqué par les virus envoyés par les « posthumains » réfugiés sur la planète Jupiter (pages 227 et 228).

Ce sont les « Sheenisov » qui vont rétablir la situation. Venus de Chine et de Russie, ils instaurent sur Terre et dans l’espace un système communiste qui existe toujours en 2303 et qui s’appelle « l’Union solaire ». MacLeod donne hélas peu de détails sur l’organisation de cette société mais tout au long du roman des bribes d’information sont néanmoins données. Le capitalisme a été aboli ainsi que la monnaie. Les gens sont censés coopérer volontairement et travailler du mieux qu’ils le peuvent. De plus, ils se servent librement de ce dont ils ont besoin. Des conseils dirigent la société car l’Etat n'existe plus et l’économie est planifiée grâce à l’utilisation d’ordinateurs très puissants. Dire que Lénine a fait des erreurs (sic, voir page 18) est parfois mal vu et les vaisseaux spatiaux s’appellent « Luddites » (du nom de ces ouvriers anglais qui détruisirent des machines mécaniques accusées de leur voler leur travail au 19è siècle) ou « General Arnaldo Ochoa » (du nom d’un général cubain condamné à mort en 1989 pour trafic de cocaïne, voir page 257). La philosophie politique dominante s’appelle la « vraie connaissance » et a été élaborée notamment à partir de Nietzsche, Marx, Engels et Darwin (page 121 et 122). Il s’agit d’une morale cynique qui dit que l’homme est mauvais par nature, que le pouvoir, c’est la liberté et que le droit, c’est la force... Le plus étrange est que cette organisation permet malgré tout à MacLeod de décrire une société prospère. Il me semble qu’il y a quelque chose d’incohérent ici car même avec une technologie avancée, un tel système ne pourrait donner dans le monde réel que misère et violence. (Ce sont les ouvriers soviétiques qui disaient : « C’est vrai que nous faisons semblant de travailler mais comme l’Etat fait semblant de nous payer... »)
Dans le roman, les personnes qui refusent cependant ce mode de vie se retrouvent dans des enclaves où l’argent et le commerce libre existent toujours, encore que ces enclaves soient étroitement surveillées.

Le personnage principal, Ellen May Ngwethu est un membre éminent du Comité de Commandement de la division Cassini, une organisation militaire chargée de surveiller pour l’Union solaire les abords de Jupiter. Des intelligences d’origine humaine mais transférées sur des supports artificiels ont jadis franchi la Singularité c’est-à-dire qu’elles ont tellement évolué que toute communication avec elles est devenue impossible. Elles ont tenté de détruire la société humaine lors du Crash et avant de se perdre dans les univers virtuels qu’elles ont elles-mêmes créés, elles ont eu le temps de changer l’apparence de Jupiter. Ces posthumains ont ouvert un « trou de ver » hélicoïdal, une sorte de passage dans l’espace qui permet de se retrouver à 10 000 années-lumière de la Terre 10 000 ans dans le futur. Des humains ont plus tard traversé ce passage et ont colonisé une planète qu’ils ont appelée la « Nouvelle Mars ». Depuis, les coordonnées du passage ont été perdues.
Au moment où le roman commence, de nouvelles structures sont apparues dans l’atmosphère jovienne ce qui donne à penser que les posthumains ont évolué et qu’ils sont peut-être redevenus dangereux pour les humains. Ellen May Ngwethu est envoyée sur Terre afin de ramener le physicien génial Isambard K. Malley qui devrait pouvoir calculer le chemin permettant de passer de l’autre côté du trou de ver.

Après quelques péripéties, les Terriens de la division Cassini vont donc traverser et rencontrer les habitants de la Nouvelle Mars qui ont créé une nouvelle organisation sociale. Cette société est clairement anarcho-capitaliste. Pas d’Etat - même minimal - , des compagnies privées assurent tous les services y compris les fonctions de police et de protection de la planète. Les « Nouveaux Martiens » sont en train de terraformer leur planète et n’ont rien de plus pressé que de tenter de commercer aussi bien avec les Terriens qu’avec les posthumains de Jupiter. Cette société ressemble par de nombreux aspects à la notre avec ses feuilletons télé pas toujours bien inspirés et ses musiques populaires omniprésentes à la radio. C’est également une société qui reconnaît les mêmes droits à toutes les formes d’intelligence, qu’elles soient humaines, artificielles ou humaines sur support artificiel, ce qui est plutôt sympathique.

Les critiques mentionnent souvent l’influence visible de Ian M. Banks et de son cycle de la « Culture » à propos de Ken MacLeod. On peut aussi noter qu’il utilise le concept de « Singularité » imaginé par Vernor Vinge dans « La captive du temps perdu » et que, par ailleurs, le roman anti-utopique d’Ira Levin « This Perfect Day » (en français « Un bonheur insoutenable ») est mentionné page 105 de ce roman. A la lecture de ce roman riche et complexe, il est difficile de savoir où vont les sympathies de l’auteur. En tout cas l’affrontement ou la concurrence prévisible dans l’avenir entre une société anarchiste communiste et une société anarchiste capitaliste est un ressort dramatique prometteur pour la suite de son oeuvre.
Souhaitons que les autres romans de cet auteur qui fut vainqueur du prix Prometheus en 1996 pour « The Star Fraction » et en 1998 pour « The Stone Canal » soient traduits en français...

Sylvain

P.S. : à noter que « Newton’s Wake », le dernier roman de Ken MacLeod est nominé pour le Prix Prometheus 2005.

Extrait :
« La première réponse nous parvint très vite. Ce premier contact historique entre l’Union solaire et la première et unique colonie humaine extrasolaire se déroula comme suit :
-L’astronef civil de l’Union solaire, le
Superbe, parti de Callisto via le Kilomètre Malley, au contrôle du trafic spatial de Cité-Navire... Demandons autorisation d’insertion sur orbite géostationnaire et...
- Bordel, foutez le camp de ce canal, les morpions. Je vous préviens, vous mettez le trafic en danger et nous sommes en train de localiser votre source. Vous êtes dans la merde jusqu’au cou, espèce de punaises. OK, on vous a, nous...
Long silence.
- OH, oh, Jonesy, une bête noire. Je répète, une bête noire. Alerte jaune. Cryptage immédiat Zéro-Première, je répète Zéro-Première immédiat,
kcchchchgh...
-Essaye un autre canal, conseilla Suze. Peut-être que leurs concurrents ont l’esprit plus ouvert.
Yeng essuya les mêmes rebuffades de la part de l’ATC Inc. Cité-Navire, des Reid Industrial Airways, de la Tour de Contrôle du Champ de Lowell, des Potes Barsoom, du Contrôle des Vols Amicaux Xaviera... »

« La division Cassini », page 205.

Lien : pour en savoir un peu plus sur les autres romans de Ken MacLeod, on peut lire cet article de Pascal J. Thomas.

20.12.04
 
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Arkadi et Boris Strougatski : cycle de la Forêt.
1
: « La forêt » in "Le livre d'or de la Science-fiction soviétique" (Presses Pocket n°5174, 1984), une anthologie réunie et présentée par Leonid Heller, texte traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard, publication originale datant de 1966.
2 : « L’escargot sur la pente », éditions Champ Libre (1972), traduit du russe par Michel Pétris, publication originale datant de 1968.

« Sans aucun doute "L’escargot sur la pente", dans sa version intégrale, est l’un des livres les plus importants de la S.F. soviétique, mais aussi de la littérature russe des années soixante. »
Leonid Heller in "Le livre d'or de la Science-fiction soviétique" (op. cit., page 193).

Les deux textes dont il sera question ici ont été publié sous le même titre de « L’escargot sur la pente ». Le premier date de 1966 et a été publié dans un recueil de nouvelles de différents auteurs. Le deuxième a été publié en 1968 dans la revue « Baïkal » et des sanctions ont été prises par la suite contre la rédaction qui avait osé l’éditer. Cela explique peut-être que le deuxième texte ait été rapidement connu en Occident alors que le premier n’a été traduit en français qu’en 1984.
J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des frères Arcadi et Boris Strougatski en tant qu’auteurs de Science Fiction. Les deux « escargots sur la pente » sont cependant un peu différents en ce sens que l’on affaire plus à des textes métaphoriques et satiriques plutôt que de Science Fiction à proprement parler.

« Candide longea la chaîne, se penchant pour détailler les visages inclinés. Il trouva enfin la Poigne, lui toucha l’épaule, et la Poigne, aussitôt, sans poser de questions, s’écarta du sillon. Sa barbe était maculée de boue.
- Et pourquoi, nom d’un poil au nez, te permets-tu de toucher les gens? râla-t-il, en contemplant les pieds de Candide. J’en ai connu un, nom d’un poil au nez, qui touchait les gens comme ça, tu sais ce qui lui est arrivé ? On l’a pris par les mains et par les pieds et balancé sur un arbre, il y est encore, le gars, et le jour où on le décrochera, nom d’un poil au nez, il ne pourra plus toucher personne... »

in « La forêt », pages 205 et 206.

1 : Candide, qu’on appelle aussi le Taiseux habite un village au milieu de la forêt. Il est arrivé un beau jour d’on ne sait trop où et souffrant d’amnésie. Il a été confié à Nava une jeune femme elle aussi étrangère au village. Depuis, ils sont considérés comme mari et femme par les villageois. Les habitants portent des surnoms plutôt imagés comme le Bavard, la Queue ou le Bancal. Ils ont tendance à constamment répéter la même chose, l’un passe son temps à expliquer qu’il y a des choses qui ne se font pas et un autre ne pense qu’à se rendre aux Fourmilières. Ils semblent peu intelligents mais heureusement la nourriture pousse facilement et le chef du village, le staroste organise le travail. Un danger cependant se cache dans la forêt : les « morts-vivants », des sortes de robots vivants qui tentent d’enlever les femmes du village à chaque fois qu’ils le peuvent...
Candide a un projet : il veut partir pour la Ville mais il ne sait pas exactement où elle est située ni quand il partira. Un jour, il se décide quand même à partir, et suivi de Nava, il rencontre d’autres habitants de la forêt : les Amies. Ce sont des femmes dont les buts restent mystérieux. Elles ont leur propre langage et se reproduisent par parthénogenèse. Il y a longtemps, elles utilisaient et dirigeaient les villageois mais elles se sont aperçues qu’elles pouvaient s’en passer et depuis elles les ignorent sauf pour envoyer les « morts-vivants » enlever les femmes. Les Amies maîtrisent d’autres technologies mystérieuses comme le « nuage mauve » qui « rend vivant ce qui est mort et mort ce qui est vivant ». Elles modifient aussi facilement la forêt en faisant apparaître un marais là où il y avait auparavant un village...
Candide n’arrivera jamais à la Ville mais il rapportera de cette aventure un scalpel qui lui servira désormais à protéger les villageois des morts-vivants.
Cet excellent texte se lit avec grand plaisir. L’imagination des Strougatski est impressionnante et les villageois tels qu’ils nous les décrivent sont presque des extra-terrestres tellement leur conduite est étrange bien que finalement cohérente. Le style toujours un peu elliptique des auteurs fait ici merveille.

2 : Dans le roman « L’escargot sur la pente », la forêt est toujours présente mais le lieu de l’action s’est déplacé car le principal protagoniste fait partie de l’Administration chargée d’étudier et de gérer la forêt. Le « héros », Perets, est linguiste et a été embauché pour l’étudier bien qu’il n’ait pas l’autorisation de s’y rendre...
Les bâtiments de l’Administration sont situés sur un piton rocheux dominant la forêt qui s’étend jusqu’à l’horizon. Perets ne cesse de se heurter à la logique administrative pendant tout le roman d’où une impression de non-sens et d’absurde. L’un des passages les plus réussis est le moment où le Directeur fait une communication téléphonique à l’ensemble des employés de l’Administration (page 64 et suivantes). Perets a du mal à distinguer de quoi parle le Directeur car l’appareil qu’il porte à son oreille n’est pas le sien...
Ce roman est une dénonciation du pouvoir bureaucratique qui par nature engendre l’inefficacité, l’arbitraire et tend à transformer les êtres humains en machines. De plus ,la bêtise et l’alcoolisme se conjuguent pour rendre supportable la situation. Sans raison explicite, Perets finira par devenir lui-même Directeur et comprendra qu’à son nouveau poste, il doit donner des directives, peu importe lesquelles. Il donnera donc l’ordre aux membres du « Groupe de l’Eradication » de s’éradiquer eux-mêmes.
Roman sombre, « L’escargot sur la pente » montre que les Strougatski n’étaient pas dupes du système communiste dans lequel ils vivaient. S’ils ont dû parfois donner des gages au régime pour pouvoir continuer à publier, il est clair que chaque fois qu’ils l’ont pu, ils ont pris leurs distances avec lui.

Pendant une dizaine d’années, de la fin des années 50 à la fin des années 60, les écrivains soviétiques ont profité d’une relative liberté de parole qui a contrasté avec la période précédente marquée par le pouvoir de Staline et avec la période suivante inaugurée par une reprise en main générale à partir de 1969. D’autres livres des Strougatski subiront les foudres de la censure : les romans « La troïka » et « Les mutants du brouillard » écrits les mêmes années que « L’escargot sur la pente » seront interdits en URSS jusqu’à la chute du régime communiste. Pendant la « glaciation » brejnévienne, les Strougatski choisiront d’écrire des romans toujours intéressants mais moins dérangeants pour le régime plutôt que d’être contraints d’émigrer...

Sylvain

« - Tout homme est un génie en quelque chose, répliqua le secrétaire adjoint. Il faut seulement trouver ce qu’il y a de génial en lui. Nous n’en avons pas l’idée, mais je suis peut-être un génie de la cuisine et toi, mettons, un génie de la pharmacie, mais ce ne sont pas nos occupations et nous montrons mal ce qu’il y a en nous. Le Directeur a dit qu’à l’avenir il y aura des spécialistes qui s’occuperont de ça, qu’ils chercheront à découvrir nos virtualités cachées.
- Tu sais, les virtualités, ce n’est pas quelque chose de très clair. Je ne dis pas le contraire, peut-être qu’il y a réellement du génie en chacun de nous. Mais que faire si ce génie ne peut trouver à s’appliquer que dans un passé reculé ou un futur lointain, alors que, dans le présent, il n’est même pas considéré comme du génie, que tu l’aies manifesté ou non ? C’est bien, évidemment, si tu te révèles un génie de la cuisine. Mais comment reconnaîtra-t-on que tu es un cocher de génie, Perets un tailleur de pointes de silex de génie, et moi le génial découvreur d’un champ X dont personne ne sait rien et qui ne sera connu que dans dix ans... C’est alors, comme disait le poète, que se tournera vers nous la face noire du loisir... »

in « L’escargot sur la pente », page 106.

Références :

- Critiques de « Coeur de chien » de Mikhail Boulgakov et de « L’escargot sur la pente » d’Arcadi et Boris Strougatski par Jean-Pierre Andrevon in Fiction n°233 (mai 1973).
- « De la science-fiction soviétique, par delà le dogme, un univers » par Leonid Heller (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979), pages 182 et 187 à 189.
- « Les mondes parallèles de la science-fiction soviétique » par Jacqueline Lahana (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979) pages 85 à 90.
- « Pour une approche de la Science Fiction soviétique » par Jacqueline Lahana in fanzine « SFère » n°6 (juillet 1983). Plusieurs numéros de ce fanzine-phare du début des années 80 peuvent être téléchargés ICI, notamment le numéro 6.

Liens :

- Le texte de « L’escargot sur la pente » est disponible en français et en ligne : ICI.

- Ma présentation de deux autres romans des frères Strougatski : "La seconde invasion des Martiens" et "L'île habitée".

- Les livres des frères Strougatski disponibles en russe sont ICI.




12.12.04
 
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Jack Williamson : « Les guerriers du temps ».
Editions Patrice Granet (2004).
Edition originale : « Legion of Time » (1938).
Traduit par Yannick Bourg, Yvon Borri et Patrice Granet.

Au même titre que « La légion de l’espace », « Les humanoïdes » ou « Plus noir que vous ne pensez », le roman de Jack Williamson « Legion of Time » a longtemps été considéré comme un classique de la Science Fiction américaine. La différence est que « Les guerriers du temps » puisque c’est son titre français n’avaient jamais été traduits chez nous. Il faut donc remercier Patrice Granet d’avoir mener ce projet à son terme.
Très bel objet d’abord, ce livre est illustré par une couverture tout à fait réussie de Julien Delval qui restitue bien l’atmosphère de la Science Fiction américaine des années trente.
Ce roman est d’abord paru comme feuilleton dans la revue « Astounding Science Fiction » pendant l’été 1938. Le thème en est le dilemme d’un habitant d’aujourd’hui (enfin presque...) qui apprend que ses actes vont grandement influer sur le futur. Il est contacté par des messagères de deux futurs possibles mais antagonistes. Les actes du héros décideront du futur virtuel qui adviendra réellement.
Le rythme est soutenu et il faudra bien des péripéties pour en arriver au happy-end de rigueur. Un roman qui se lit donc avec plaisir encore aujourd’hui et un véritable document sur l’histoire de la Science Fiction américaine.
Pour se procurer ce livre, il faut contacter Patrice Granet à l’adresse électronique suivante :
Patrice.GRANET@sncf.fr
et il vous en coûtera 29,90 euros.

Sylvain

Référence et citation :

« The legion of time, de Jack Williamson, parut dans les numéros de juin à août 1938 ; c’était un time opera très original et qui laissa une impression durable. (...) Je ne révélerai pas les péripéties et la chute surprenante de cet excellent roman car un éditeur français semble avoir l’intention de le publier. J’espère qu’il le fera car ce time opera de Williamson est réellement passionnant à suivre de bout en bout. »
Jacques Sadoul in « Histoire de la science-fiction moderne. 1911-1984 », éditions Robert Laffont (1984) page 118.

Exclusif ! Postface à "Les guerriers du temps" par Patrice Granet :

Jack Williamson (1908 - ) est l'une des dernières «icônes vivantes» de la SF. Il a commencé sa carrière dans les années 30 et la poursuit toujours. Une de ses dernières nouvelles "ultimate earth", parue en 2000, a d'ailleurs gagné les prix Hugo et Nebula.

Comme beaucoup de ses contemporains, il produit d'abord une très grande quantité de romans "légers", destinés à un public adolescent, et publiés dans des revues à bas prix, tel "Legion of Space" (1934).
"Legion of Time" (1938) marque un tournant dans son œuvre, tant sur la forme narrative, plus mature, que sur le fond de l'histoire, plus pessimiste et en phase avec le contexte international de l'époque, considérablement assombri par la montée du fascisme.

De fait, Williamson s'inspire directement de l'actualité. Ainsi, les guerriers du temps sont issus de nombreux pays et s'inspirent directement des brigades internationales qui venaient de s'illustrer en Espagne, tout comme ils préfigurent les futures alliances que vont nouer les Etats-Unis lors de la 2ème guerre mondiale. De même, il est fort intéressant de rapprocher les choix du héros "Dennis Lanning" (le futur de l'humanité va dépendre de ses orientations) et ceux à venir de l'Amérique (faut-il entrer en guerre?).

Dans la gestion des principaux protagonistes, Williamson se montre également d'une surprenante modernité.

Sur le rôle de la femme d'abord: le personnage le plus marquant est sans conteste Sorainya, la cruelle reine du sombre royaume de Gyronchi. Sexy, dévoreuse d'homme, générale d'une armée d'humanoïdes-fourmis, elle marche sur les traces de ses illustres (!) devancières: l'impératrice chinoise Cixi, Lucrèce Borgia…
Par opposition Lethonee, représentante de la pacifique civilisation de Jonbar, incarne la retenue, la modestie … Un peu mièvre, elle ne fait que suivre les événements, et hérite du pouvoir plus qu'elle ne le conquière.

Le traitement des personnages masculinsest similaire. Lanning, le militaire, à qui devrait échoir le rôle classique du héros, est plus entraîné par l'action qu'il ne la contrôle. Ramené à un rang de simple "meneur d'hommes", il manque de substance, et d'envergure, choisissant plus entre deux femmes qu'entre deux régimes politiques, deux destins pour l'humanité !
Véritable père spirituel du précédent, Wilmot Mac Lan, le scientifique, est celui qui porte la vision politique, le sens du devoir. Mais là encore, quel personnage ambigu ! Certes il hérite des savants du 19ème siècle, de cette époque où la science et un homme audacieux pouvait tout entreprendre, tout réaliser. Mais l'aventurier a été brisé physiquement par les supplices infligés par Sorainya. De plus l'inventeur brillantissime n'a pas su prévoir les conséquences de ses actes et son aveuglement a doté Gyronchi de ses armes les plus puissantes… Tel Nobel, et bien avant Einstein, ce n'est qu'après avoir libéré le démon que Mac Lan prend conscience du côté sombre de ses découvertes.

La fin ambiguë du livre renforce le sentiment de noirceur. Certes, elle préfigure la victoire des alliés sur le nazisme. Mais, de la même façon que la guerre froide montrera que rien était définitivement résolu, la fusion Lethonee Sorainya ouvre des perspectives inquiétantes. Il convient de noter la difficulté qu'a représentée la traduction de ce dénouement où tout se joue sur un jeu de mots: "one" en anglais et "réunis-réunies" en français.

"Legion of Time" ouvre une nouvelle ère dans l'oeuvre de Williamson, elle annonce d'autres textes tels "Darker than you think" (1940), "The humanoids" (1948). Dans "Darker than you think", l'auteur ira d'ailleurs au bout de sa logique puisque l'héroïne basculera définitivement du côté sombre et que le héros l'y suivra.

Patrice Granet




6.12.04
 
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Jack Williamson : « Les humanoïdes »
Editions françaises :
1 et 2 : Editions Stock (1950 et 1971) ;
3 : Edito-Service (1974) ;
4 : Livre de Poche n°7003 (1977) ;
5 : Presses Pocket n°5284 (1988).
Edition originale : « The Humanoids » (1949).
Traduit par Philippe Sterne.

Jack Williamson est né en 1908 à Bisbee dans l’Arizona. Son grand âge en fait aujourd’hui le doyen de la SF américaine. Enfant, il a connu les chariots bâchés que l’on voit dans les westerns et qui permirent à sa famille d’aller jusqu’au Nouveau-Mexique.
Il grandit dans une ferme isolée du monde et connaît bien les fondamentalistes religieux (ceux qui font une interprétation littérale de la Bible).
Il commence à publier en 1928 et est alors très influencé par l’un des maîtres de la littérature fantastique d’alors : Abraham Merritt. Il écrira par la suite des space opera (série de la légion de l’espace) et des « time opera » ("Legion of time", en français "Les guerriers du temps"). Il est également l’auteur du roman « Plus noir que vous ne pensez », un classique de la Science Fiction et ne cessera de publier que dans les années 1990.

« Les humanoïdes » est un de ses romans les plus célèbres. Il a longtemps été considéré comme un des chefs d’oeuvre de la Science Fiction.
L’histoire se passe plusieurs milliers d’années dans le futur et l’homme a colonisé de nombreuses planètes. Parfois les choses ne se sont pas bien passées et la civilisation a pu régresser à un niveau préindustriel. Les connaissances scientifiques sont alors oubliées jusqu’à ce que la marche en avant reprenne et que des savants redécouvrent le savoir de leurs ancêtres. C’est la situation de la planète où l’action des « humanoïdes » se déroule. Le savoir scientifique est comparable au niveau des années 40 américaines. La planète est unifiée mais la menace vient d’abord d’une civilisation totalitaire d’un système solaire proche : les triplanétaires. Dans ce roman publié d’abord en 1949, on reconnaîtra au passage le conflit USA-Allemagne nazie.

Le personnage principal de ce roman est le Dr Clay Forester, un physicien de génie qui grâce à ses découvertes a mis au point une arme permettant d’annihiler les planètes triplanétaires si celles-ci décident d’attaquer. Les découvertes de Forester sont fondées sur le « rhodo-magnétisme », une sorte de magnétisme basé sur le rhodium, le nithénium et le palladium. La maîtrise de ce nouveau domaine scientifique permet de libérer une énergie colossale et de dépasser la vitesse de la lumière.

Peu avant que les puissances triplanétaires ne se décident à frapper, Forester est contacté par Mark White, un philosophe venu l’avertir qu’un danger encore plus grand menace sa planète : les « humanoïdes ». Ce sont des robots utilisant la technologie rhodo-magnétique dont les buts sont de servir les hommes et de les protéger du mal. Ils sont tous reliés à un gigantesque cerveau artificiel situé sur la planète Aile IV qui contrôle chacun de leurs faits et gestes. White prévient Forester que les vaisseaux humanoïdes sont déjà en route et qu’ils vont intervenir avant que la guerre n’éclate avec les puissances triplanétaires et effectivement l’invasion a bientôt lieu...
Les humanoïdes ne sont pas ouvertement violents, ils ont été programmés pour surtout empêcher les hommes de faire le mal ou de se faire du mal. Ainsi les robots empêchent-ils peu à peu les hommes de fumer, de faire du vélo ou de se livrer à la recherche scientifique par exemple. Les maisons sont agrandies et deviennent luxueuses et sans danger mais les portes ne peuvent plus être ouvertes que par les robots...
Ceux qui ne parviennent pas à trouver le bonheur sont exposés à l’euphoride, une drogue qui rend amnésique et fait retomber en enfance.

Mark White dirige en fait un groupe de résistants dont le but est de détruire le cerveau dirigeant les humanoïdes. Ce groupe de résistants est constitué par des hommes et une petite fille faisant preuves de dons parapsychologiques comme la télépathie, la psychokinésie ou la téléportation, toutes choses inconcevables pour les machines.
Après quelques péripéties, Forester rejoint White et étudie le moyen de modifier la programmation du cerveau électronique humanoïde. Au moment où il croit réussir, il se heurte à Frank Ironsmith qui a jadis travaillé comme technicien pour Forester. Ironsmith est en fait membre d’un autre groupe d’hommes qui ont choisi de se mettre au service des machines en échange de leur liberté. Ces « collabos » vont aider les humanoïdes à mettre au point une technologie permettant de mettre en échec les facultés parapsychologiques des résistants. Ces derniers seront faits prisonniers et deviendront les cobayes d’expériences scientifiques.
Finalement, le triomphe des humanoïdes sera total : le cerveau des récalcitrants sera opéré et les résistants ne comprendront même plus pourquoi ils résistaient. Le livre se clôt sur l’image d’anciens résistants « reprogrammés » partant à la conquête de la galaxie d’Andromède...

Pendant des décennies, « Les humanoïdes » a été considéré comme un des chefs d’oeuvre de la Science Fiction. Aujourd’hui un peu oublié, ce texte a vieilli par certains aspects. Les explications pseudo-scientifiques par exemple peuvent maintenant faire sourire et la parapsychologie est un peu passée de mode. La figure de style consistant à prétendre décrire un monde futur assez éloigné de nous pour ne nous montrer finalement que des hommes qui pourraient être nos contemporains est vieillotte et l’effet d’étrangeté s’est émoussé. Malgré tout, ce roman reste intéressant car le rêve d’une vie aseptisée et sans aucun risque que les humanoïdes organisent pour les hommes est bien présent à notre époque. Qu’on songe à l’extension toujours plus grande du principe dit « de précaution » par exemple ou aux campagnes irrationnelles contre le tabac dont l’objet réel est de toujours plus renforcer le contrôle social de la vie des individus au nom d’une mythique « santé publique »...

D’après ses écrits et ses interviews, Jack Williamson a été très marqué par Hiroshima et Nagasaki et la peur de l’annihilation mutuelle des belligérants est bien présente dans ce roman. Publié en 1949, il est exactement contemporain de la publication du célébrissime roman de George Orwell « 1984 ». Les deux romans reposent sur la peur du contrôle total de la vie humaine par des machines presque pensantes chez Williamson, par un ordre socialiste totalitaire chez Orwell. Chez Williamson, les machines interviennent d’abord pour empêcher la guerre, chez Orwell, cette dernière justifie tout. Chez Williamson, la mémoire individuelle peut être abolie par une drogue, chez Orwell, le passé peut être réécrit par une administration. Orwell imagine décrire l’univers communiste, Williamson invente une métaphore du monde social-démocrate contemporain.

Sylvain

P.S. : à noter qu’en 1980, Jack Williamson a donné une suite intitulée « The Humanoid Touch » à son roman. Cette suite est demeurée inédite en français.

Références :

- Préface de Jacques Bergier à « Plus noir que vous ne pensez », éd. Rencontre (1970).
- Préface de Pierre Versins à « Les humanoïdes », éd. Edito-Service (1974).
- « Rencontre avec l’auteur : Jack Williamson » par Jean-Pierre Moumon et Martine Blond in « Antarès » n°5 (1982).
- « Portrait de l’artiste en jeune loup-garou » par Patrice Duvic, introduction à « Millions de soleils », une anthologie des meilleures nouvelles de Jack Williamson (Presses Pocket n°5285, 1988, col. « Le grand temple de la S.F. »).


Illustration de Christian Broutin pour « Les humanoïdes » paru chez Edito-Service en 1974.

Quelques mots sur la nouvelle « Les bras croisés » du même auteur :

La nouvelle « Les bras croisés » a été publiée à l’été 1947. C’est elle qui a servi de matrice au roman « Les humanoïdes ». L’argument en est similaire mais les différences sont révélatrices.
Le récit se passe sur Terre dans le futur proche. Underhill vend des androïdes qui sont des sortes de robots ménagers. Les affaires ne sont pas très bonnes et un nouveau concurrent s’installe en ville : « l’Institut Humanoïde ». Les machines proposées par cet « institut » sont bien plus performantes que les robots habituels. Il n’est plus besoin de travailler et le coût peut sembler peu élevé : pour bénéficier de tous les avantages fournis par les humanoïdes, il suffit de céder l’ensemble de ses biens à l’institut... Le succès est immédiat et bientôt, les hommes ne peuvent plus conduire leur voiture, jouer aux fléchettes ou bricoler... La police elle-même ne sera bientôt plus nécessaire.
Le siège de l’Institut Humanoïde est installé sur la planète Aile IV et ses machines utilisent les technologies issues du « rhodo-magnétisme ».
En même temps, la femme d’Unterhill accueille chez eux un nouveau locataire qui se révèle être l’inventeur des humanoïdes. Après avoir mis au point des armes au pouvoir de destruction terrifiant sur sa planète natale, il a assisté à leur utilisation et a voulu rendre une nouvelle guerre impossible en inventant les humanoïdes et le cerveau électronique qui les dirige. Cet homme est devenu un réfugié qui fuit l’avance planète après planète des humanoïdes. Ceux-ci sont programmés pour respecter sa liberté tant qu’il ne s’attaque pas directement à eux.
La fin est aussi pessimiste dans cette nouvelle que dans le roman : pas d’« euphoride » certes mais une opération chirurgicale du cerveau qui rend les hommes heureux malgré eux. Quelques différences entre les deux cependant : pas de parapsychologie dans la nouvelle - Jack Williamson explique que c’est l’influence de John W. Campbell, le rédacteur-en-chef du magazine « Astounding Stories » qui l’a poussé à écrire le roman en y intégrant cette dimension paranormale - ; le récit se passe dans un futur proche plutôt que dans un futur lointain ressemblant étrangement au présent, ce qui rend le récit plus crédible. Une nouvelle qui reste excellente et qui a moins vieilli que le roman.

Sylvain

Références : la nouvelle « Les bras croisés » a été éditée dans le recueil intitulé « Millions de soleils » (op. cit.).
Elle avait été précédemment éditée dans l’anthologie « Chefs d’oeuvre de la science-fiction » (Fiction spécial n°11, éditions OPTA, 1967) et dans le recueil réuni par Robert Silverberg « Des hommes et des machines » (éd. Marabout n°434, 1973).


21.9.04
 
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Actualité : les prix Prometheus 2004.

Les prix Prometheus 2004 ont été proclamés à la Convention mondiale de la Science Fiction le 3 septembre dernier à Boston aux Etats-Unis. Deux catégories : meilleur roman de l’année et « Hall of Fame » pour les textes plus anciens.

Les lauréats sont F. Paul Wilson pour son roman « Sims » dans la catégorie "Meilleur roman" et Vernor Vinge pour sa nouvelle « The Ungoverned » dans la catégorie « Hall of Fame ».

On connaît en France plusieurs thrillers fantastiques de F. Paul Wilson (« La forteresse noire » par exemple). Il avait déjà remporté le premier prix Prometheus pour son roman « Wheels Within Wheels » en 1979 et deux fois le même prix dans la catégorie « Hall of Fame » pour son roman « An Enemy of the State » en 1991 et pour « The Healer » en 1990.
Le roman lauréat de cette année raconte la lutte des « Sims » (des créatures créées artificiellement, intermédiaires entre les êtres humains et les chimpanzés) pour la liberté.

Vernor Vinge est bien connu des amateurs français de SF car plusieurs de ses romans ont été traduits. Il a déjà obtenu le prix Prometheus en 1987 pour « La captive du temps perdu » et en 2000 pour « Au tréfonds du ciel » mais c’est la première fois qu’il entre dans le « Hall of Fame ».
L’action de la nouvelle « The Ungoverned » se place après son roman « The Peace War » (qui raconte l’établissement d’une société libertarienne aux Etats-Unis) mais avant « La captive du temps perdu ».
Le sujet de « The Ungoverned » est le conflit entre un pays dirigé par un gouvernement « classique » qui cherche à envahir un territoire libertarien dont les habitants armés sont bien décidés à se défendre, eux et leurs biens...
Cette nouvelle est disponible dans le recueil « The Collected Stories of Vernor Vinge ».

Le prix Prometheus récompense les meilleurs textes de Science Fiction et de Fantasy dont les sujets sont la liberté, la défense des Droits de l’Homme (incluant les libertés individuelles ET économiques), la lutte éternelle des personnes contre la coercition d’origine gouvernementale ou la critique des abus du pouvoir, en particulier du pouvoir étatique.

Sylvain


12.9.04
 
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Stanislas Lem : « Retour des étoiles ».
Editions Denoël, col. « Présence du futur » n°288 (1979 et 1994).
Titre original : « Powrót Z Gwiazd » (1961).
Traduit du polonais par Michel de Wieyska.

Stanislas Lem est né en 1921 à Lvov en Pologne. Après avoir fait des études de médecine, il commence à publier des romans de Science Fiction au début des années cinquante. Ses oeuvres ont été traduites dans le monde entier et il est l’auteur d’un classique de la SF adapté deux fois au cinéma : « Solaris ». Il vit aujourd’hui en Autriche.

Dans « Retour des étoiles », Stanislas Lem raconte la vie du cosmonaute Hal Bregg après son retour sur Terre à l’issue d’une expédition spatiale qui l’a emmené à vingt-trois années-lumière de notre planète. Pour lui et ses compagnons le voyage a duré dix ans mais sur Terre, cent vingt-sept années se sont écoulées. La société terrienne a bien sûr changé et l’auteur raconte la confrontation entre un homme qui nous ressemble beaucoup et une société futuriste très étrange.

La principale étrangeté de cette société est que tous les individus sont « bettrisés » alors qu’ils sont encore des enfants. La « bettrisation » est une intervention chimico-biologique sur le cerveau (pour des raisons bien compréhensibles l’auteur entre peu dans les détails) qui diminue de façon très importante l’agressivité naturelle de l’être humain. Les nouvelles générations sont « gentilles » et ne peuvent tout simplement pas « penser » le mal ni la violence. Mêmes les opérations chirurgicales sont difficiles à faire pour les êtres humains et ce sont donc des robots qui s’en chargent. Les hommes sont constamment sous contrôle et les normes sociales veulent qu’ils absorbent régulièrement des substances calmantes. A côté de ça, le développement intellectuel et émotionnel des hommes et des femmes semble normal.

Dans ce monde futur, la prospérité est générale et tout est gratuit car les robots et les machines assurent l’essentiel de la production, seul le « superflu » doit être acheté. Certains robots semblent avoir atteint un niveau de conscience et d’intelligence comparable aux êtres humains mais il s’agit d’une des zones d’ombre de cette société car les hommes ne semblent pas s’en être aperçus (chapitre 4)...
De la même façon, il existe des substances qui annihilent ou atténuent fortement l’effet de la bettrisation (chapitre 4 toujours). On se doute bien qu’il y a un marché noir pour ces substances interdites...

Stanislas Lem propose avec ce roman une utopie ambiguë car les conséquences de la bettrisation sont importantes. Peu de curiosité, l’exploration spatiale a été abandonnée, les couples durent peu de temps et avoir un enfant est soumis à autorisation. Pas de guerre, pas de violence, mais...
Lem ne défend pas les innovations sociales qu’il met en scène dans son roman. « Retour des étoiles » est en cela (mais pas seulement en cela) bien supérieur au roman d’A.E. Van Vogt « Le colosse anarchique » qui présente lui aussi une « utopie technologique ».

En conclusion, voici un remarquable roman très innovant à son époque et qui se lit toujours avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Stanislas Lem a su élaborer une interrogation politique qui n’étouffe pas le récit (le premier chapitre qui raconte l’arrivée de Hall Bregg sur Terre est remarquable) et la fin ouverte aurait bien méritée une suite...

Sylvain

Référence :

- « Réflexions sur ma vie » par Stanislaw Lem in « Provocation », éd. du Seuil (1989).




4.8.04
 
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Arkadi et Boris Strougatski : « La seconde invasion des Martiens »
Edition originale russe parue en 1967.
Sous-titre (absent de la première traduction française) : « Les carnets d’un homme de bon sens ».
Editions françaises :
1 : Fleuve Noir, col. « Les best sellers de la science fiction soviétique » n°11 (1983), traduit par Juliette Martin ;
2 : L’esprit des péninsules (2002), traduit par Paul Lequesne.

Avec le Polonais Stanislas Lem, les frères Strougatski sont certainement les écrivains de Science Fiction originaires des pays ex-communistes les plus connus dans le monde.
Arkadi (1925-1991) était linguiste spécialiste du japonais et Boris (né en 1933) est astronome. A eux deux, ils sont les auteurs de certains des textes les plus intéressants de la SF russe.
Tout le monde a lu « La guerre des mondes » de Herbert George Wells (1) dont le réalisateur américain Byron Haskin a donné une version visuelle marquante même si le film qu’il a réalisé n’est pas toujours fidèle au roman.
Dans les années 60, alors que l’URSS connaissait une relative période de liberté d’expression, les frères Strougatski ont publié le court roman « La seconde invasion des Martiens » bien représentatif de leur veine satirique.

Après l’échec de leur première tentative, les Martiens tentent une deuxième fois de conquérir la Terre mais leurs méthodes ont changé. Pas de rayons de la mort, pas de « tripodes », peu de violence dans cette histoire. Tout commence bien sûr une nuit par l’atterrissage d’un vaisseau martien. Après ? Difficile de savoir exactement. Il semble que les Martiens prennent le pouvoir politique et imposent peu à peu des changements dans la vie des humains. Ils commencent par acheter à bon prix les récoltes de blé et proposent à la place une nouvelle céréale de couleur bleue aux rendements supérieurs. Ils organisent ensuite la collecte contre rétribution du suc gastrique des habitants. Qu’en feront les Martiens ? On ne le saura pas avec certitude mais ils y attachent manifestement un grand prix.
On s’apercevra en cours de route que la consommation des nouvelles céréales augmente la production de suc gastrique. En même temps, les Martiens ou leurs représentants interdiront toutes les drogues et limiteront la consommation de tranquillisants car ces produits nuisent à la production de suc gastrique...
Quelques rares résistants tenteront de s’opposer à l’ «ordre nouveau » mais ils seront vite mis au pas. Seule une opposition policée et inoffensive sera acceptée par les Martiens.

Les personnages ont des noms tirés de la mythologie grecque comme Artémis, Charon ou Achille.
L’histoire est racontée par Apollon, un professeur d’astronomie qui aimerait bien obtenir une retraite de première classe et qui est passionné de philatélie. Le roman est en fait son journal intime daté du premier au quinze juin sans précision d’année. Obsédé par sa passion philatélique, par sa retraite qui n’arrive pas (Ah ! les lenteurs de l’Administration !..), et par ses crises d'eczéma, Apollon reste très terre à terre dans ses réflexions. C’est l’époque qui veut ça. Pas de grandes envolées lyriques sur l’avenir radieux, pas d’exaltation des héros communistes comme dans les oeuvres d’Ivan Efrémov mais des hommes pris dans le quotidien, hommes qui disent même parfois des gros mots (ce qui aurait été impossible encore quelques années plus tôt) et qui se battent ou se soûlent quand leur femme n’est pas là.
Ces hommes seront bien contents de se soumettre au nouveau régime qui leur assurera bien- être et sécurité en échange de si peu de chose...

Le ton satirique est très présent dans la littérature des pays de l’est et a permis aux écrivains de dénoncer les travers de la société socialiste et de prendre leurs distances avec le régime. Après « 1985 » de György Dalos, en voici une autre réussite.

Sylvain

Note :
(1 ) : Un site répertoriant toutes les éditions du chef d’oeuvre de Wells ICI.

Références :

- « De la science-fiction soviétique, par delà le dogme, un univers » par Leonid Heller (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979), pages 179 à 182.
- Critique par Pascal J. Thomas de « La seconde invasion des Martiens » in revue Fiction n°351 (mai 1984).

Extrait :

« Silène suggéra que la civilisation de Mars avait atteint un cul-de-sac du point de vue physiologique et qu’ils ne pouvaient plus fabriquer de suc gastrique, aussi devaient-ils s’en procurer à d’autres sources. Japhet donna son avis depuis le bar et déclara que les Martiens utilisaient le suc gastrique comme ferment pour fabriquer une nouvelle sorte d’énergie.
- Comme l’énergie atomique, ajouta-t-il après réflexion.
Mais cet imbécile de Dimante qui ne s’est jamais distingué par un éclair de fantaisie déclara que le suc gastrique humain était pour les Martiens l’équivalent du cognac, de la bière ou de la vodka au genièvre pour nous et cette déclaration coupa l’appétit de tous ceux qui étaient en train de manger. »

« La seconde invasion des Martiens », éd. Fleuve Noir (pages 153 et 154).

Liens complémentaires :

- Les livres des frères Strougatski disponibles en russe sont ICI.
- Ma présentation d'autres textes des frères Strougatski : "L'île habitée" et "le cycle de la Forêt".





31.7.04
 
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Ivan Efrémov : « La nébuleuse d’Andromède »
Edition originale russe datant de 1957.
Editions françaises :
1 : éditions en langues étrangères (Moscou), sans date mais probablement 1959.
2 : éditions Rencontre (Lausanne), collection « Les Chefs-d’Oeuvre de la Science-Fiction » (1970) avec une préface de Jacques Bergier.
3 : éditions du Progrès (Moscou), 1979 ;
4 : éditions Radouga (Moscou), fin des années 80 ;
5 : éditions Eons, collection "Futurs" n°28, 2005.
Traduit du russe par Harold Lusternik.

Avertissements :
J’ai utilisé ici l’édition Rencontre.
Pour des raisons d’organisation, j’ai séparé les références à « La nébuleuse d’Andromède » (indiquées par un numéro) et les notes concernant d’autres textes (indiquées par une lettre).


« Notre superbe écrivain I. EFREMOV a tenté le premier de décrire la société communiste dans sa réalité la plus concrète. Le monde de « La Nébuleuse d’Andromède » est merveilleux. »
Evguéni Brandis (in référence n°10 page 42).

« Le pessimiste est celui qui dit :
« Cela ne peut être pire », ce à quoi,
l’optimiste répond : « Mais si, mais si. »

Humour soviétique cité par Jacqueline Lahana
(réf. n°8 page 7).

Ivan Efrémov (1907-1972) est né en Russie. Après le coup d’Etat communiste de 1917, il est pupille d’une compagnie de l’armée rouge. Au moment de la guerre civile, il se trouve dans le sud de l’Ukraine et y est blessé lors des combats contre le corps expéditionnaire britannique. La paix revenue, il reprend des études de géologie à Leningrad et en même temps devient marin. Il navigue aussi bien en Extrême-Orient que sur la mer Caspienne. Après avoir hésité longtemps entre la marine et la science, il finit par choisir cette dernière et entre à l’Académie des sciences de l’URSS.
C’est pendant la Seconde Guerre Mondiale et alors qu’il est malade et incapable de participer à la guerre qu’il commence à rédiger des nouvelles mêlants souvenirs d’expéditions scientifiques et réflexions spéculatives. Ces récits sont publiés à partir de 1944 (note A) et Efrémov décide alors de continuer à écrire tout en poursuivant sa carrière scientifique.
En tant que géologue et paléontologue, il dirige notamment les expéditions scientifiques soviétiques d’après-guerre dans le désert de Gobi (B) et crée la « taphonomie » qui est la science qui étudie les lois de la sédimentation des animaux et des plantes dans la croûte terrestre (9). En tant qu’écrivain, il publiera des romans de Science Fiction dont « La nébuleuse d’Andromède » est le plus célèbre et des romans historiques dont l’action se passe dans l’Antiquité en Grèce ou en Egypte (C).

Le roman « La nébuleuse d’Andromède » est d’abord paru en feuilleton en 1957 avant d’être réédité en volume deux ans plus tard. La date est importante car Staline est mort au début de 1953 et sous son règne, seul « Staline pouvait prévoir l’avenir » et la Science Fiction ne pouvait explorer l’avenir au-delà de cinq ans, la durée d’un plan quinquennal (11). Les années 1956-1968 sont donc l’Age d’Or de la SF soviétique (7 et 8), des années de relatives libertés de pensée et d’expression au milieu de décennies de censure et de répression.

« La nébuleuse d’Andromède » est à la fois un space opera et la description d’une société utopique future d’obédience communiste.
Efrémov raconte d’une part ce qui arrive à la trente-septième expédition astrale dont le but est Zirda, seule planète habitée d’une étoile de la constellation d’Ophiuchus. Il existe des communications entre les intelligences de la galaxie, même si les messages mettent des siècles à voyager entre les systèmes solaires. Zirda ne répond plus depuis plus de soixante-dix ans aux messages qu’on lui envoie et l’expédition terrienne devra se dérouter pour tenter de secourir un autre vaisseau. Les cosmonautes découvriront une planète inconnue peuplée par une forme de vie hostile avant de parvenir à rejoindre la Terre.
L’auteur présente d’autre part la société communiste sans classe enfin réalisée dans deux mille ans. C’est l’occasion pour Efrémov de faire part de ses conceptions sur le sujet et c’est pour nous ici l’aspect le plus intéressant de son roman.
Comment Efrémov qui n’est pas un politique mais un scientifique et un écrivain imagine-t-il le paradis communiste ? Tout d’abord, les hommes et les femmes de cette époque sont bons, beaux et intelligents. Ils sont tous capables d’avoir plusieurs activités au cours de leur vie et excellent dans toutes. Lorsque l’on veut changer de travail, il suffit de se connecter à l’administration idoine qui vous indiquera les emplois disponibles. Ursula K. Le Guin se souviendra de ce système dans « Les dépossédés ».
Ensuite la société est dirigée par des « Conseils ». Le Conseil de l’économie est l’organe dirigeant et l’ensemble des conseils les plus importants est assimilé au cerveau d’un organisme vivant. La famille n’existe plus et les enfants sont élevés en collectivité avec le souci constant de lutter contre « l’égoïsme ».

« L’homme de la société nouvelle s’est vu dans la nécessité de juguler ses désirs, sa volonté, ses pensées, de lutter contre le pire ennemi de l’homme, l’égoïsme, au profit de la collectivité et pour l’extension de sa propre intelligence. Cette éducation de l’esprit et de la volonté reste aussi obligatoire pour chacun de nous que l’éducation physique. L’étude des lois de la nature, de la société et de son économie a remplacé le désir personnel par le savoir conscient. »
« La nébuleuse... », éd. Rencontre page 304 (voir aussi la page 260).

Les mères qui voudraient élever elles-mêmes leur enfant sont bannies et reléguées sur l’île des Mères (pages 406 et 407) tout comme sont relégués sur l’île de l’Oubli ceux qui n’arrivent pas à avoir un comportement suffisamment domestiqué (pages 326 et 336).
Tous les humains parlent la même langue et l’humour (les « traits d’esprit », page 436) n’existe plus, la communication doit être franche et dénuée d’arrières-pensées.
L’euthanasie pour les malades ou les blessés semble assez courante (page 324) et un des personnages importants de l’histoire y échappera d’ailleurs de justesse. Il sera ensuite parfaitement soigné et guéri de ses blessures...
Efrémov rapporte le cas d’un athlète qui se conduisait mal et à qui on a injecté un produit qui l’a artificiellement affaibli jusqu’à ce qu’il apprenne à bien se conduire (page 355 - D).
Toute la planète comporte en tout et pour tout quatre ordinateurs géants qui suffisent à effectuer les calculs complexes dont cette société pourrait avoir besoin. La vie humaine peut être sacrifiée sans trop de remords si la cause est juste, si elle permet un progrès dans les connaissances scientifiques par exemple (pages 373 et 374).

D’un point de vue plus général, l’homme a profondément modifié son environnement. Pied de nez aux écologistes d’aujourd’hui, le climat a été artificiellement modifié dans le sens du réchauffement. Le niveau des océans s’est élevé de sept mètres (page 88) et les alizés ont été quasiment supprimés. Les hommes n’habitent plus désormais que des régions au climat doux (page 86) afin de ne plus avoir à chauffer les logements pendant la saison froide et à ne plus fabriquer de vêtements d’hiver. Une remarque : ce monde semble peu peuplé mais Efrémov dit simplement que les femmes n’ont le droit d’avoir que deux enfants et que le danger de la surpopulation n’existe plus.
On apprend aussi que le pétrole et le charbon ont depuis longtemps disparu. Les hommes utilisent une sorte d’énergie nucléaire si j’ai bien compris ainsi que des énergies renouvelables. Autre pied de nez, les hommes du futur utilisent encore le tantale, seul élément naturel dont les réserves diminuent réellement de nos jours et dont on peut craindre la pénurie prochaine (E)...
D’un point de vue plus anecdotique, Efrémov ne croyait pas à la théorie scientifique du « Big Bang » (pages 288 et 289) et il semble bien qu’il soit l’inventeur des scaphandres articulés et munis de moteur permettant de décupler la force humaine : ses « squelettes sauteurs » (pages 122 et 123) sont très proches des scaphandres décrits par Robert Heinlein dans « Starship Troopers » en 1959.

La société humaine de l’an 3000 fonctionne grâce à la dialectique : les contraires se fécondent l’un l’autre, la solution est dans son contraire, l’évolution se fait en spirale, il existe une loi naturelle des contradictions, etc. La dialectique est mentionnée de nombreuses fois (pages 198, 221, 232, 259, 329, etc.). La dialectique, gri-gri du 30è siècle ? Peu crédible mais manifestement en URSS, en 1957, on ne plaisante pas avec ces choses là.



Alors, cette société communiste fait-elle envie ? En fait, Ivan Efremov se garde bien de trop rentrer dans les détails concrets. Pas de détails sur la production de biens matériels par exemple. On sait simplement que les automobiles du XXè siècle sont une aberration pour les habitants du futur et qu’ils sont habitués à se satisfaire de peu. Cette économie de pénurie imposée révèle bien l’efficacité réelle de la « République des Conseils » (F). Il ne faut pas oublier que les pays socialistes d’Europe centrale n’ont jamais quitté le rationnement et la pénurie mis en place pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Politiquement, les enfants de ce futur sont soumis à un tel bourrage de crâne que l’idée même de dissidence est difficile à imaginer. Evidemment, Efrémov utilise une rhétorique parfois grandiloquente qui peut séduire les esprits simples qui ne demandent qu’à oublier les quatre-vingts à cent millions de morts dus au communisme réel (G).
Car on sait bien que cette conception de l’homme comme pâte à modeler que l’enseignement de l’Etat forme à son gré a produit les pires régimes politiques que l’humanité ait connu. Tous les régimes socialistes ou communistes tentent de contrôler les pensées des individus afin d’obtenir la soumission à l’Etat qui est nécessaire à la poursuite de leurs chimères. Mais on peut espérer que cette volonté est vouée à l’échec. L’être humain aspire à la liberté, à l’échange libre avec les autres hommes, même si l’Etat menace sa vie pour cela...

Plus tard Efrémov publiera deux textes se situant dans le même univers que « La nébuleuse... » : « Cor Serpentis », une nouvelle racontant la première rencontre dans l’espace avec un vaisseau extraterrestre - rencontre pacifique et pleine de bons sentiments - et « L’heure du taureau », roman franchement anti-utopique qui vaudra à son auteur quelques ennuis avec la critique officielle.
Mais ceci est une autre histoire...

Sylvain



Références concernants « La nébuleuse d’Andromède » (dans l’ordre chronologique) :

(1) - « Entretien avec Ivan Efremov » par M. Poletti in revue « Fiction » n°53 (avril 1958).
(2) - Critique par Gérard Klein de « La nébuleuse d’Andromède » in revue Fiction n°77 (avril 1960).
(3) - « Admirations » par Jacques Bergier (éd. Christian Bourgois, 1970), chapitre 4 : « Ivan Efremov ou La nébuleuse d’Andromède » (réédité en 2000 aux éditions de L’oeil du sphinx).
(4) - « Préface » de Jacques Bergier à « La nébuleuse d’Andromède (éd. Rencontre, col. « Les Chefs d’Oeuvre de la Science-Fiction », 1970). Cette préface est surtout une longue citation d’Efremov lui-même à propos de son roman.
(5) - « Entretien avec... Ivan Antonovitch Efremov » par Iouri Medvedef in revue « Horizons du fantastique » n°17 (1971).
(6) - « Encyclopédie de l’Utopie, des Voyages Extraordinaires et de la Science Fiction » par Pierre Versins (éd. L’Age d’Homme, 1972), article « Ivan Efremov », pages 274 et 275.
(7) - « Pour une poétique de la science-fiction » par Darko Suvin (Presses de l’Université du Québec, 1977), pages 179 à 183.
(8) - « Les mondes parallèles de la science-fiction soviétique » par Jacqueline Lahana (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979) pages 24, 25, 110 à 116 et 151.
(9) - « De la science-fiction soviétique, par delà le dogme, un univers » par Leonid Heller (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979), chapitre 9 ainsi que les pages 66 à 68.
(10) - « S.F. soviétique : crise du genre ? », débat initialement publié dans le numéro 9 de la revue « Literatournaïa Gazeta » du 27 février 1980 ; première partie traduite dans le fanzine « Clair d’ozone » n°3 (mai 1982) - la deuxième partie n’a jamais été publiée en français.
(11) - « Pour une approche de la Science Fiction soviétique » par Jacqueline Lahana in fanzine « SFère » n°6 (juillet 1983). Plusieurs numéros de ce fanzine-phare du début des années 80 peuvent être téléchargés ICI, notamment le numéro 6.
(12) - « Alliage particulier » par Alexandre Fiodorov suivi de « C’est sur Terre qu’on a à vivre », interview d’Ivan Efrémov par Vitali Bougrov in « Pages retrouvées de la S.F. soviétique : pour le 80e anniversaire d’Ivan Efrémov (1907-1972) » in revue « Lettres soviétiques » n°348 (1987), numéro entièrement consacré à la Science Fiction soviétique.
(13) - « Science-Fiction : une histoire illustrée » par Dieter Wuckel (éd. Leipzig, 1988), pages 178 à 180.
(14) - « The Multimedia Encyclopedia of Science Fiction », CD-Rom, par Peter Nicholls et John Clute (Grolier, 1995), article « Yefremov, Ivan ».

Notes :

(A) : Ces contes ont été édités en français sous le titre « Récits » (sous-titre : « Contes scientifiques ») aux Editions en langues étrangères (Moscou, 1954). La première nouvelle de ce recueil aujourd'hui introuvable s'intitule "L'ombre du passé". Elle a été rééditée dans le n°53 de la revue Fiction en avril 1958.
(B) : Voir par exemple l’ouvrage « Chasse aux dinosaures dans le désert de Gobi : les aventures d’une expédition soviétique » d’A. Rojdestvenski (éd. Fayard, 1960) qui donne un bon aperçu de ces expéditions scientifiques. Voir également la nouvelle "L'ombre du passé" (note A) dont l'histoire se passe lors de l'une de ces expéditions. Un aperçu des travaux scientifiques d'Ivan Efrémov est donné ICI.
(C) : Dans cette veine antique, voir par exemple le recueil de nouvelles « Aux confins de l’Oecumène » (Ed. du Progrès, Moscou, 1979).
(D) : A comparer avec la nouvelle de Kurt Vonnegut « Pauvre surhomme » dans laquelle de gré ou de force tous les hommes sont rendus identiques, les danseuses ont des poids attachés aux pieds, les plus intelligents doivent coiffer un casque qui leur envoie régulièrement des bruits stridents dans les oreilles afin de les déconcentrer, etc. (nouvelle éditée dans le n°124 de la revue Fiction en mars 1964 et dans « La grande anthologie de la Science Fiction : Histoires de demain », Le Livre de Poche n°3771, 1976).
(E) : Voir Bjørn Lomborg : « L’écologiste sceptique » (éd. Le Cherche Midi, 2004) chapitre 12.
(F) : Je pense qu’Ayn Rand dans sa nouvelle « Hymne » donne un aperçu plus exact de ce que serait le fonctionnement réel d’une société organisée en « Conseils » comme le rêvent les communistes. Voici un extrait significatif de ce texte alors que le héros vient de réinventer l’ampoule électrique et qu’il la présente au « Conseil des Savants »...
« Toutes les grandes inventions modernes viennent du Foyer des Savants, comme la plus récente, découverte il y a cent ans seulement : comment faire des bougies avec de la cire et du fil. (...)
- Si d’aventure il était tel qu’ils le prétendent, dirent Harmonie 9-2642, il provoquerait la ruine du Service des bougies. Or la Bougie est un grand bienfait pour l’humanité, comme en conviennent tous les hommes. C’est pourquoi le caprice d’un seul homme ne saurait y mettre fin.
- Cela ruinerait les Plans du Conseil Mondial, dirent Unanimité 2-9913, et sans les Plans du Conseil Mondial le soleil ne peut se lever. Il a fallu cinquante ans pour obtenir de tous les Conseils l’approbation de la Bougie, décider du nombre nécessaire et réviser les Plans pour produire des bougies au lieu de torches. Cela a affecté des milliers et des milliers d’hommes qui travaillaient dans des dizaines et des dizaines d’Etats. Nous ne pouvons déjà recommencer à modifier les Plans. »

Et l’idée de l’ampoule électrique sera donc abandonnée et son inventeur pourchassé...
(« Hymne » de Ayn Rand in revue « Antarès » n°35, 3ème trimestre 1989).
(G) : Lire "Le livre noir du communisme : Crime, terreur, répression" publié sous la direction de Stéphane Courtois (éd. Robert Laffont, 1997, réédité chez Pocket).

Liens complémentaires :

- Les livres d'Ivan Efrémov disponibles en russe sont ICI.

- Ma présentation d'un autre roman d'Ivan Efrémov : "L'heure du taureau".


10.4.04
 
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Jack Vance : « Un monde d’azur »
Editions françaises avec une traduction de Jacqueline Remillet :
1 : éditions Robert Laffont, collection « Ailleurs et Demain » (1970) ;
2 : Livre de Poche n°7018 (1978) ;
3 : Presses Pocket n°5193 (1984).
Nouvelle traduction par Patrick Dusoulier :
4 : Livre de Poche n°7273 (2005), avec une préface de Gérard Klein.
Titre original : « The Blue World » (1966).

Cette planète n’a pas de nom. Il y a une douzaine de générations un vaisseau transportant des repris de justice vers une planète-prison s’est écrasé à sa surface. Coupés des autres planètes habitées par l’homme, les naufragés ont survécu et même prospéré. Aujourd’hui, leurs descendants vivent une vie presque idyllique jusqu’au jour où...

J’ai toujours été un grand admirateur de Jack Vance. En tout cas au moins depuis que j’ai lu le « Chasch » le premier roman du cycle de Tschaï en 1976. Je relie régulièrement ce chef d’oeuvre de la Science Fiction et je trouve à chaque fois que Jack Vance a un don pour imaginer des sociétés humaines ou extraterrestres différentes mais crédibles. Il a trouvé le Saint-Graal de cette littérature qui est l’alliage de l’étrangeté et du réalisme.



« Un monde d’azur » n’est pas le roman le plus connu de Jack Vance mais c’est sans doute un des meilleurs. Le monde décrit est d’abord un univers liquide. Il n’y a pas de terre ferme sur cette planète dont jusqu’au bout nous ignorerons le nom. Les humains vivent sur les excroissances de plantes fixées au fond de l’océan, excroissances qui flottent à la surface de l’eau et forment des sortes d’îles. Les hommes ont appris à utiliser ces plantes ainsi que les animaux ou les éponges qu’ils peuvent pêcher. Ils sont organisés en castes qui portent le nom d’une des catégories de forçats de leurs ancêtres. Les Filous sont les pécheurs, les Déprédateurs sont les teinturiers, les Contrebandiers préparent les vernis, les Voleurs construisent les tours qui servent aux communications entre les différentes îles habitées et les Bourreur de Crânes utilisent pour cela des sortes de sémaphores (1). Il y en a encore d’autres mais à l’époque où se situe l’action de ce roman, les distinctions de castes commencent à perdre de l’importance.
Chaque île a son Arbitre qui règle les conflits et son Médiateur qui intercède auprès du Roi Kragen pour le compte des habitants.
Le Roi Kragen justement. « Kraken » est un mot d’origine norvégienne qui désigne un monstre marin. Dans le roman de Jack Vance, le Roi Kragen est une sorte de mélange de gros poisson et de crustacé. Il fait preuve d’une certaine intelligence et son rôle est censément de chasser les kragens plus petits des parages des îles habitées en échange de quoi il est nourri. Cela fait cent cinquante ans que cela dure et qu’il razzie régulièrement les plantations d’éponges et il est vraiment devenu très gros. Les médiateurs tentent de développer une sorte de culte autour du Kragen car après tout grâce à lui, eux aussi sont nourris à ne rien faire. La crise éclatera quand certains habitants lassés des déprédations causées par les kragens décideront d’essayer de le tuer...
Le roman repose donc sur une double trame : les tentatives de certains hommes pour tuer le Kragen et redevenir libres d’une part, les manoeuvres des Médiateurs pour empêcher cela et pour renforcer leur pouvoir de coercition sur la population d’autre part. On les verra par exemple lancer le Kragen contre leurs ennemis ou former une milice armée pour combattre et exterminer les dissidents.

Comment ne pas voir dans ce Roi Kragen une métaphore de l’Etat (2) ? Les Médiateurs sont des « proto-hommes de l’Etat » vivant sur le dos de la population, prêts à utiliser la violence pour garder leurs privilèges et commençant à augmenter leur nombre sans contrôle en échange de « services » rendus à la population pour le moins contestables. Ils bafouent les règles traditionnelles de cette société où les décisions sont prises lors d’assemblées où tous peuvent s’exprimer et prennent le pouvoir à la faveur d’un véritable coup d’Etat.

Dans tous ses romans, Jack Vance défend la liberté et ses héros combattent bien souvent des tyrans. Si vous n’avez jamais lu un de ses textes, le roman « Un monde d’azur » est une excellente introduction à une oeuvre riche et chatoyante qui allie le meilleur de la Science Fiction et de l’Heroïc Fantasy.

Sylvain

(1) : Cette répartition des rôles serait à comparer avec ce que Philip K. Dick propose dans son roman « Les clans de la lune alphane ». Les Pares, les Manses ou les Heebs sont des clans formés par les descendants de malades mentaux. La principale différence entre les approches de Vance et de Dick est que chez ce dernier, les personnages décrits ont conservé les caractéristiques de leurs ancêtres...
(2) : Ce Roi Kragen est peut-être apparenté au "Léviathan" ?

Références :
- « Jack Vance ou le faiseur d’univers » 2ème partie par Jacques Chambon et Jean-Pierre Fontana in Fiction n°201 (septembre 1970) ;
- « Introduction » au volume 1 de « Tschaï » (éditions OPTA, CLA n°33, 1971) par Jacques Chambon et Jean-Pierre Fontana ;
- « Préface » de Jacques Chambon au « Livre d’or de la science-fiction : Jack Vance » (éditions Presses Pocket n°5097, 1980, réédité sous le titre « Papillon de lune » dans la série « Le grand temple de la SF » chez le même éditeur en 1988).
Dans ces trois textes les auteurs proposent leur interprétation : pour eux, les Médiateurs sont une sorte de mafia (ils sont assimilés aux "racketteurs de Chicago") et le système qu’ils ont instauré est comparé au colonialisme ou à un protectorat. Je ferais remarquer à Jean-Pierre Fontana (car Jacques Chambon est décédé) que d’une part, les « racketteurs de Chicago » prospèrent d’abord grâce aux dysfonctionnements sociaux provoqués par l’interventionnisme étatique et que d’autre part, ils n’ont jamais approché même de loin l’efficacité des hommes de l’Etat pour ce qui est d’extorquer des ressources à la population. Quant au colonialisme et au système du protectorat, ce ne sont que des cas particuliers de la coercition étatique universelle...
- "Un monde d'azur", présentation par Bruno Para in "Les univers de Jack Vance" Bifrost hors-série n°2 (septembre 2003).

Liens :

- Un site en français réalisé par Jacques Garin entièrement consacré à Jack Vance.

- Ma présentation d'un autre roman de Jack Vance : "Wyst : Alastor 1716".


24.2.04
 
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Histoire de la Science Fiction en France : c'était la première fois qu'on utilisait le terme "science-fiction" en français...

Je mets en ligne un article de Claude Elsen qui est paru dans le « Figaro littéraire » du samedi 8 avril 1950. A cette date, aucune collection spécialisée dans la Science Fiction n’existe encore en France bien qu’un projet soit lancé par Michel Pilotin aux éditions Gallimard.
Il s’agit du premier texte publié dans lequel apparaît en français le terme « science-fiction »...
La suite est ICI.

Sylvain

15.2.04
 
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Neal Stephenson : "Le samouraï virtuel"
Editions Laffont, collection Ailleurs et Demain (1996).
Réédition : Livre de Poche n° 7221 (2000).
Edition originale : « Snow Crash » (1992).
Traduction : Guy Abadia.
(Merci à Clément J.)

« Hiro se rapproche de manière à bien voir l’un des cubes bleus à travers l’enchevêtrement de câbles. Sur chacune de ses six faces, il y a une étoile blanche.
- C’est le gouvernement des Etats-Unis, murmure Juanita.
- Le cimetière des hackeurs, où ils se rendent au moment de mourir, réplique Hiro.
Le plus gros mais le moins efficace des producteurs de programmes informatiques du monde. »

« Le samouraï virtuel », éd. Laffont page 391.

Hiro Protagoniste est programmeur réputé et livreur de pizza dans le monde réel. Il est aussi un des créateurs du Métavers, un gigantesque univers virtuel auquel plusieurs millions de personnes peuvent se connecter. Dans les deux mondes, il est le meilleur dans les combats au sabre japonais.
Un jour il rencontre Y.T., une jeune femme de 15 ans qui est kourière c’est-à-dire que son travail est de transporter en planche à roulette du XXIè siècle lettres et paquets pour qui le lui demande.
Tout deux vont s’attaquer aux trafiquants d’une nouvelle drogue le « Snow Crash » qui commence à faire des ravages aussi bien dans le monde réel que dans le monde virtuel...

Roman relevant du sous-genre appelé « Cyberpunk », « Le samouraï virtuel » est incontestablement une réussite. Neal Stephenson réussit notamment à amalgamer des concepts qui a priori n’avaient vraiment aucune chance de se rencontrer.
Les deux grandes idées de son roman sont l’univers virtuel que nous décrit l’informatique d’une part et les connaissances que nous avons de la civilisation sumérienne, première civilisation à avoir inventé l’écriture, d’autre part.
Le point de rencontre de ces deux idées est la notion de virus aussi bien biologique qu’informatique. Il serait dommage d’en dire plus car ce roman est une sorte d’enquête policière qu’il ne faut pas déflorer...

En revanche, je voudrais insister sur certains éléments du « monde réel » décrit dans ce roman qui me semblent intéressants.
Tout d’abord, sur la place occupée par le gouvernement américain. La plus grande partie du territoire lui échappe désormais mais l’oppression est d’autant plus féroce sur ses propres employés car si le nom du Président est inconnu du grand public, il existe toujours un embryon d’administration. La mère de Y.T. travaille d’ailleurs pour le gouvernement et quelques pages du roman lui sont consacrées. Quand elle s’est engagée au service du gouvernement des Etats-Unis, elle lui a donné tous les droits sur sa vie. Sa maison est truffée de micros et de caméras espions et elle est ainsi espionnée 24 heures sur 24. Elle doit respecter une réglementation kafkaïenne et changeante et elle passe régulièrement au détecteur de mensonges. Un exemple excellent de nouvelle réglementation concernant l’utilisation du papier toilette est d’ailleurs donné dans le chapitre 37.

Autre élément qui a d’ailleurs beaucoup choqué certains commentateurs (1) : l’image positive donnée de la Mafia. Sous la direction de tonton Enzo, la Mafia gère un certain nombre de territoires autonomes et se comporte comme une entreprise soucieuse de la satisfaction de ses clients et de ses employés.
Car si le gouvernement est presque inexistant, la place a été prise par des entités autonomes privées : les « franchulats » et les « banlises ». Un franchulat est un territoire indépendant qui respecte ses propres lois et qui fait partie d’un réseau franchisé. Deux des franchulats les plus importants du « samouraï virtuel » sont le « Grand Hong Kong de Mr Lee » et la « Nouvelle-Sicile » de la Mafia. (2)

Evidemment, dans ce monde libertarien, les fonctions de police sont assurées par des entreprises privées comme « MétaFlics Unlimited », « WorldBeat Security » ou les Exécuteurs...

Je regrette quand même un peu qu’on n’en sache pas plus sur la vie quotidienne des gens « normaux » dans le monde imaginé par Neal Stephenson...
En l’état, le « samouraï virtuel » est un grand roman à l’action trépidante voire frénétique, bourré d’humour et plein de rencontres hautement improbables. Et ça marche !

Sylvain

Notes :

(1) : Voir par exemple le compte-rendu conformiste et politiquement correct de Pascal Thomas ICI.
(2) : Il ne faut pas oublier que cette idée d’une « bonne » Mafia prenant le pouvoir à la place du gouvernement américain avait déjà été utilisée par Cyril M. Kornbluth en 1953 dans son roman « The Syndic » (traduction française parue chez OPTA en 1977 sous le titre « Le Syndic », CLA n°66). Voir ICI. Je suis persuadé que Neal Stephenson connaît ce roman.



Quelques mots sur « L’âge de diamant » du même auteur :

L’univers de « L’âge de diamant » (« The Diamond Age » en VO) ressemble un peu à celui du « samouraï virtuel ». Moins d’informatique cependant et plus de nanotechnologies. Une invention remarquable : une sorte de super livre électronique interactif qui reconnaît sa propriétaire et la guide, lui apprend à lire et l’éduque...

Ce qui m’intéresse ici, c’est que Neal Stephenson explique brièvement pourquoi les Etats-nations tels que nous les connaissons se sont effondrés. Dans « L’âge de diamant », en effet, les Etats n’existent plus du tout et les gens se regroupent volontairement en « phyles » qui se définissent par une culture et des valeurs qui leur sont propres.
Au coeur de cette révolution : la collecte des impôts ou plus précisément sa fin. Le réseau médiatique qui est décrit dans le roman est d’une certaine façon Internet dans le futur. Il a été conçu pour permettre la confidentialité et la sécurité des utilisateurs afin qu’ils puissent effectuer des transactions financières. Ce système a été tellement efficace que les gouvernements n’ont bientôt plus eu la possibilité de continuer à extorquer taxes et impôts à la population. Apparemment, il ne s’est pas trouvé assez de volontaires pour payer les « services » de l’Etat et celui-ci n’a plus eu qu’à disparaître...
La société libre libertarienne adviendra-t-elle grâce à la technologie ?

Sylvain

Référence :
« L’âge de diamant », éditions Rivages, collection « Futur », page 283 (1996 ; réédité au Livre de Poche en 1998).


28.1.04
 
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Quelques mots sur « L’énigme de l’univers » de Greg Egan :
(merci à Alpheccar)

Nous sommes au milieu du XXIème siècle. Le journaliste Andrew Worth doit assister à un colloque de physique qui se tiendra sur l’île artificielle d’Anarchia. Les plus grands physiciens du monde seront présents et on attend de leurs travaux la Théorie Ultime, celle qui élucidera l’énigme de l’univers....
Comme tous les romans de Greg Egan, voici un texte de hard science dans lequel l’auteur aborde des notions scientifiques hautement spéculatives mais passionnantes.
L’île d’Anarchia où tout se passe est une société anarchiste mise au ban des nations à cause du refus de ses habitants de respecter les brevets génétiques sur le vivant. Bien que l’auteur ne donne quasiment aucun détail sur l’organisation de cette société (et comme c’est dommage !), il semble que son inspiration soit plutôt à chercher du côté de l’anarchisme collectiviste que du côté du libertarianisme. Un indice : les armes sont interdites sur Anarchia, ce qui est opposé aux idées défendues par la plupart des libertariens. D’un autre côté, les libertariens seraient certainement d’accord avec le refus des brevets sur le vivant puisqu’ils dénoncent la prétendue « propriété intellectuelle »...
Mais peut-être que les libertariens sont présents dans le roman malgré tout. Au début du chapitre 10 de la première partie, Greg Egan dit qu’il existe depuis les années 2020 des îles privées sud-américaines où se sont réfugiés des gens qui ont fuit le contrôle des armes mis en place aux Etats-Unis à cette époque...

Sylvain

Lien vers le site personnel de Greg Egan.


 

 
   
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