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Jack Williamson : « Les guerriers du temps ».
Editions Patrice Granet (2004).
Edition originale : « Legion of Time » (1938).
Traduit par Yannick Bourg, Yvon Borri et Patrice Granet.
Au même titre que « La légion de l’espace », « Les humanoïdes » ou « Plus noir que vous ne pensez », le roman de Jack Williamson « Legion of Time » a longtemps été considéré comme un classique de la Science Fiction américaine. La différence est que « Les guerriers du temps » puisque c’est son titre français n’avaient jamais été traduits chez nous. Il faut donc remercier Patrice Granet d’avoir mener ce projet à son terme.
Très bel objet d’abord, ce livre est illustré par une couverture tout à fait réussie de Julien Delval qui restitue bien l’atmosphère de la Science Fiction américaine des années trente.
Ce roman est d’abord paru comme feuilleton dans la revue « Astounding Science Fiction » pendant l’été 1938. Le thème en est le dilemme d’un habitant d’aujourd’hui (enfin presque...) qui apprend que ses actes vont grandement influer sur le futur. Il est contacté par des messagères de deux futurs possibles mais antagonistes. Les actes du héros décideront du futur virtuel qui adviendra réellement.
Le rythme est soutenu et il faudra bien des péripéties pour en arriver au
happy-end de rigueur. Un roman qui se lit donc avec plaisir encore aujourd’hui et un véritable document sur l’histoire de la Science Fiction américaine.
Pour se procurer ce livre, il faut contacter Patrice Granet à l’adresse électronique suivante :
Patrice.GRANET@sncf.fr
et il vous en coûtera 29,90 euros.
Sylvain
Référence et citation :
« The legion of time,
de Jack Williamson, parut dans les numéros de juin à août 1938 ; c’était un time opera très original et qui laissa une impression durable. (...) Je ne révélerai pas les péripéties et la chute surprenante de cet excellent roman car un éditeur français semble avoir l’intention de le publier. J’espère qu’il le fera car ce time opera de Williamson est réellement passionnant à suivre de bout en bout. »
Jacques Sadoul in « Histoire de la science-fiction moderne. 1911-1984 », éditions Robert Laffont (1984) page 118.
Exclusif ! Postface à "Les guerriers du temps" par Patrice Granet :
Jack Williamson (1908 - ) est l'une des dernières «icônes vivantes» de la SF. Il a commencé sa carrière dans les années 30 et la poursuit toujours. Une de ses dernières nouvelles "ultimate earth", parue en 2000, a d'ailleurs gagné les prix Hugo et Nebula.
Comme beaucoup de ses contemporains, il produit d'abord une très grande quantité de romans "légers", destinés à un public adolescent, et publiés dans des revues à bas prix, tel "Legion of Space" (1934).
"Legion of Time" (1938) marque un tournant dans son œuvre, tant sur la forme narrative, plus mature, que sur le fond de l'histoire, plus pessimiste et en phase avec le contexte international de l'époque, considérablement assombri par la montée du fascisme.
De fait, Williamson s'inspire directement de l'actualité. Ainsi, les guerriers du temps sont issus de nombreux pays et s'inspirent directement des brigades internationales qui venaient de s'illustrer en Espagne, tout comme ils préfigurent les futures alliances que vont nouer les Etats-Unis lors de la 2ème guerre mondiale. De même, il est fort intéressant de rapprocher les choix du héros "Dennis Lanning" (le futur de l'humanité va dépendre de ses orientations) et ceux à venir de l'Amérique (faut-il entrer en guerre?).
Dans la gestion des principaux protagonistes, Williamson se montre également d'une surprenante modernité.
Sur le rôle de la femme d'abord: le personnage le plus marquant est sans conteste Sorainya, la cruelle reine du sombre royaume de Gyronchi. Sexy, dévoreuse d'homme, générale d'une armée d'humanoïdes-fourmis, elle marche sur les traces de ses illustres (!) devancières: l'impératrice chinoise Cixi, Lucrèce Borgia…
Par opposition Lethonee, représentante de la pacifique civilisation de Jonbar, incarne la retenue, la modestie … Un peu mièvre, elle ne fait que suivre les événements, et hérite du pouvoir plus qu'elle ne le conquière.
Le traitement des personnages masculinsest similaire. Lanning, le militaire, à qui devrait échoir le rôle classique du héros, est plus entraîné par l'action qu'il ne la contrôle. Ramené à un rang de simple "meneur d'hommes", il manque de substance, et d'envergure, choisissant plus entre deux femmes qu'entre deux régimes politiques, deux destins pour l'humanité !
Véritable père spirituel du précédent, Wilmot Mac Lan, le scientifique, est celui qui porte la vision politique, le sens du devoir. Mais là encore, quel personnage ambigu ! Certes il hérite des savants du 19ème siècle, de cette époque où la science et un homme audacieux pouvait tout entreprendre, tout réaliser. Mais l'aventurier a été brisé physiquement par les supplices infligés par Sorainya. De plus l'inventeur brillantissime n'a pas su prévoir les conséquences de ses actes et son aveuglement a doté Gyronchi de ses armes les plus puissantes… Tel Nobel, et bien avant Einstein, ce n'est qu'après avoir libéré le démon que Mac Lan prend conscience du côté sombre de ses découvertes.
La fin ambiguë du livre renforce le sentiment de noirceur. Certes, elle préfigure la victoire des alliés sur le nazisme. Mais, de la même façon que la guerre froide montrera que rien était définitivement résolu, la fusion Lethonee Sorainya ouvre des perspectives inquiétantes. Il convient de noter la difficulté qu'a représentée la traduction de ce dénouement où tout se joue sur un jeu de mots: "one" en anglais et "réunis-réunies" en français.
"Legion of Time" ouvre une nouvelle ère dans l'oeuvre de Williamson, elle annonce d'autres textes tels "Darker than you think" (1940), "The humanoids" (1948). Dans "Darker than you think", l'auteur ira d'ailleurs au bout de sa logique puisque l'héroïne basculera définitivement du côté sombre et que le héros l'y suivra.
Patrice Granet