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25.12.04
 
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Ken MacLeod : « La division Cassini »
Editions J’ai lu, collection « Millénaires » (2003).
Edition originale : « The Cassini Division » (1998).
Traduit par Bernadette Emerich.

Merci à Melodius de m’avoir signalé l’existence de ce roman.

Ken MacLeod est écossais. Il a déjà publié plusieurs romans de Science Fiction qui ensemble constituent une « histoire du futur » cohérente et détaillée et dont les péripéties vont de la fin du vingtième au vingt-quatrième siècle de notre ère.
« La division Cassini » est le premier roman traduit en français de cet auteur, ce qui fait que nous sommes privé de tout ce qui a précédé l’année 2303, point de départ de ce récit. Il faut donc parfois tenter de lire entre les lignes. Heureusement quelques séquences en « flash-back » racontent certains épisodes du passé...
Deux dimensions dans ce roman : d’une part, il s’agit d’un space opera avec exploration du système solaire, nouvelle planète à coloniser, nanotechnologies, etc. ; d’autre part, ce roman est truffé de considérations politiques sur les mérites respectifs des différentes sociétés humaines qui interagissent dans le récit et qui sont organisées selon des principes bien différents les unes des autres.

Dans notre avenir proche en tout cas, alors que la colonisation du système solaire a commencé, les Verts prennent le pouvoir et instaurent un régime obscurantiste et anti-technologique sur Terre.
Cette société est victime de la « Peste Verte » puis du « Crash » en 2098. La première est une série d’épidémies très meurtrières et le second un effondrement du système informatique mondial provoqué par les virus envoyés par les « posthumains » réfugiés sur la planète Jupiter (pages 227 et 228).

Ce sont les « Sheenisov » qui vont rétablir la situation. Venus de Chine et de Russie, ils instaurent sur Terre et dans l’espace un système communiste qui existe toujours en 2303 et qui s’appelle « l’Union solaire ». MacLeod donne hélas peu de détails sur l’organisation de cette société mais tout au long du roman des bribes d’information sont néanmoins données. Le capitalisme a été aboli ainsi que la monnaie. Les gens sont censés coopérer volontairement et travailler du mieux qu’ils le peuvent. De plus, ils se servent librement de ce dont ils ont besoin. Des conseils dirigent la société car l’Etat n'existe plus et l’économie est planifiée grâce à l’utilisation d’ordinateurs très puissants. Dire que Lénine a fait des erreurs (sic, voir page 18) est parfois mal vu et les vaisseaux spatiaux s’appellent « Luddites » (du nom de ces ouvriers anglais qui détruisirent des machines mécaniques accusées de leur voler leur travail au 19è siècle) ou « General Arnaldo Ochoa » (du nom d’un général cubain condamné à mort en 1989 pour trafic de cocaïne, voir page 257). La philosophie politique dominante s’appelle la « vraie connaissance » et a été élaborée notamment à partir de Nietzsche, Marx, Engels et Darwin (page 121 et 122). Il s’agit d’une morale cynique qui dit que l’homme est mauvais par nature, que le pouvoir, c’est la liberté et que le droit, c’est la force... Le plus étrange est que cette organisation permet malgré tout à MacLeod de décrire une société prospère. Il me semble qu’il y a quelque chose d’incohérent ici car même avec une technologie avancée, un tel système ne pourrait donner dans le monde réel que misère et violence. (Ce sont les ouvriers soviétiques qui disaient : « C’est vrai que nous faisons semblant de travailler mais comme l’Etat fait semblant de nous payer... »)
Dans le roman, les personnes qui refusent cependant ce mode de vie se retrouvent dans des enclaves où l’argent et le commerce libre existent toujours, encore que ces enclaves soient étroitement surveillées.

Le personnage principal, Ellen May Ngwethu est un membre éminent du Comité de Commandement de la division Cassini, une organisation militaire chargée de surveiller pour l’Union solaire les abords de Jupiter. Des intelligences d’origine humaine mais transférées sur des supports artificiels ont jadis franchi la Singularité c’est-à-dire qu’elles ont tellement évolué que toute communication avec elles est devenue impossible. Elles ont tenté de détruire la société humaine lors du Crash et avant de se perdre dans les univers virtuels qu’elles ont elles-mêmes créés, elles ont eu le temps de changer l’apparence de Jupiter. Ces posthumains ont ouvert un « trou de ver » hélicoïdal, une sorte de passage dans l’espace qui permet de se retrouver à 10 000 années-lumière de la Terre 10 000 ans dans le futur. Des humains ont plus tard traversé ce passage et ont colonisé une planète qu’ils ont appelée la « Nouvelle Mars ». Depuis, les coordonnées du passage ont été perdues.
Au moment où le roman commence, de nouvelles structures sont apparues dans l’atmosphère jovienne ce qui donne à penser que les posthumains ont évolué et qu’ils sont peut-être redevenus dangereux pour les humains. Ellen May Ngwethu est envoyée sur Terre afin de ramener le physicien génial Isambard K. Malley qui devrait pouvoir calculer le chemin permettant de passer de l’autre côté du trou de ver.

Après quelques péripéties, les Terriens de la division Cassini vont donc traverser et rencontrer les habitants de la Nouvelle Mars qui ont créé une nouvelle organisation sociale. Cette société est clairement anarcho-capitaliste. Pas d’Etat - même minimal - , des compagnies privées assurent tous les services y compris les fonctions de police et de protection de la planète. Les « Nouveaux Martiens » sont en train de terraformer leur planète et n’ont rien de plus pressé que de tenter de commercer aussi bien avec les Terriens qu’avec les posthumains de Jupiter. Cette société ressemble par de nombreux aspects à la notre avec ses feuilletons télé pas toujours bien inspirés et ses musiques populaires omniprésentes à la radio. C’est également une société qui reconnaît les mêmes droits à toutes les formes d’intelligence, qu’elles soient humaines, artificielles ou humaines sur support artificiel, ce qui est plutôt sympathique.

Les critiques mentionnent souvent l’influence visible de Ian M. Banks et de son cycle de la « Culture » à propos de Ken MacLeod. On peut aussi noter qu’il utilise le concept de « Singularité » imaginé par Vernor Vinge dans « La captive du temps perdu » et que, par ailleurs, le roman anti-utopique d’Ira Levin « This Perfect Day » (en français « Un bonheur insoutenable ») est mentionné page 105 de ce roman. A la lecture de ce roman riche et complexe, il est difficile de savoir où vont les sympathies de l’auteur. En tout cas l’affrontement ou la concurrence prévisible dans l’avenir entre une société anarchiste communiste et une société anarchiste capitaliste est un ressort dramatique prometteur pour la suite de son oeuvre.
Souhaitons que les autres romans de cet auteur qui fut vainqueur du prix Prometheus en 1996 pour « The Star Fraction » et en 1998 pour « The Stone Canal » soient traduits en français...

Sylvain

P.S. : à noter que « Newton’s Wake », le dernier roman de Ken MacLeod est nominé pour le Prix Prometheus 2005.

Extrait :
« La première réponse nous parvint très vite. Ce premier contact historique entre l’Union solaire et la première et unique colonie humaine extrasolaire se déroula comme suit :
-L’astronef civil de l’Union solaire, le
Superbe, parti de Callisto via le Kilomètre Malley, au contrôle du trafic spatial de Cité-Navire... Demandons autorisation d’insertion sur orbite géostationnaire et...
- Bordel, foutez le camp de ce canal, les morpions. Je vous préviens, vous mettez le trafic en danger et nous sommes en train de localiser votre source. Vous êtes dans la merde jusqu’au cou, espèce de punaises. OK, on vous a, nous...
Long silence.
- OH, oh, Jonesy, une bête noire. Je répète, une bête noire. Alerte jaune. Cryptage immédiat Zéro-Première, je répète Zéro-Première immédiat,
kcchchchgh...
-Essaye un autre canal, conseilla Suze. Peut-être que leurs concurrents ont l’esprit plus ouvert.
Yeng essuya les mêmes rebuffades de la part de l’ATC Inc. Cité-Navire, des Reid Industrial Airways, de la Tour de Contrôle du Champ de Lowell, des Potes Barsoom, du Contrôle des Vols Amicaux Xaviera... »

« La division Cassini », page 205.

Lien : pour en savoir un peu plus sur les autres romans de Ken MacLeod, on peut lire cet article de Pascal J. Thomas.

20.12.04
 
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Arkadi et Boris Strougatski : cycle de la Forêt.
1
: « La forêt » in "Le livre d'or de la Science-fiction soviétique" (Presses Pocket n°5174, 1984), une anthologie réunie et présentée par Leonid Heller, texte traduit du russe par Anne Coldefy-Faucard, publication originale datant de 1966.
2 : « L’escargot sur la pente », éditions Champ Libre (1972), traduit du russe par Michel Pétris, publication originale datant de 1968.

« Sans aucun doute "L’escargot sur la pente", dans sa version intégrale, est l’un des livres les plus importants de la S.F. soviétique, mais aussi de la littérature russe des années soixante. »
Leonid Heller in "Le livre d'or de la Science-fiction soviétique" (op. cit., page 193).

Les deux textes dont il sera question ici ont été publié sous le même titre de « L’escargot sur la pente ». Le premier date de 1966 et a été publié dans un recueil de nouvelles de différents auteurs. Le deuxième a été publié en 1968 dans la revue « Baïkal » et des sanctions ont été prises par la suite contre la rédaction qui avait osé l’éditer. Cela explique peut-être que le deuxième texte ait été rapidement connu en Occident alors que le premier n’a été traduit en français qu’en 1984.
J’ai déjà dit tout le bien que je pensais des frères Arcadi et Boris Strougatski en tant qu’auteurs de Science Fiction. Les deux « escargots sur la pente » sont cependant un peu différents en ce sens que l’on affaire plus à des textes métaphoriques et satiriques plutôt que de Science Fiction à proprement parler.

« Candide longea la chaîne, se penchant pour détailler les visages inclinés. Il trouva enfin la Poigne, lui toucha l’épaule, et la Poigne, aussitôt, sans poser de questions, s’écarta du sillon. Sa barbe était maculée de boue.
- Et pourquoi, nom d’un poil au nez, te permets-tu de toucher les gens? râla-t-il, en contemplant les pieds de Candide. J’en ai connu un, nom d’un poil au nez, qui touchait les gens comme ça, tu sais ce qui lui est arrivé ? On l’a pris par les mains et par les pieds et balancé sur un arbre, il y est encore, le gars, et le jour où on le décrochera, nom d’un poil au nez, il ne pourra plus toucher personne... »

in « La forêt », pages 205 et 206.

1 : Candide, qu’on appelle aussi le Taiseux habite un village au milieu de la forêt. Il est arrivé un beau jour d’on ne sait trop où et souffrant d’amnésie. Il a été confié à Nava une jeune femme elle aussi étrangère au village. Depuis, ils sont considérés comme mari et femme par les villageois. Les habitants portent des surnoms plutôt imagés comme le Bavard, la Queue ou le Bancal. Ils ont tendance à constamment répéter la même chose, l’un passe son temps à expliquer qu’il y a des choses qui ne se font pas et un autre ne pense qu’à se rendre aux Fourmilières. Ils semblent peu intelligents mais heureusement la nourriture pousse facilement et le chef du village, le staroste organise le travail. Un danger cependant se cache dans la forêt : les « morts-vivants », des sortes de robots vivants qui tentent d’enlever les femmes du village à chaque fois qu’ils le peuvent...
Candide a un projet : il veut partir pour la Ville mais il ne sait pas exactement où elle est située ni quand il partira. Un jour, il se décide quand même à partir, et suivi de Nava, il rencontre d’autres habitants de la forêt : les Amies. Ce sont des femmes dont les buts restent mystérieux. Elles ont leur propre langage et se reproduisent par parthénogenèse. Il y a longtemps, elles utilisaient et dirigeaient les villageois mais elles se sont aperçues qu’elles pouvaient s’en passer et depuis elles les ignorent sauf pour envoyer les « morts-vivants » enlever les femmes. Les Amies maîtrisent d’autres technologies mystérieuses comme le « nuage mauve » qui « rend vivant ce qui est mort et mort ce qui est vivant ». Elles modifient aussi facilement la forêt en faisant apparaître un marais là où il y avait auparavant un village...
Candide n’arrivera jamais à la Ville mais il rapportera de cette aventure un scalpel qui lui servira désormais à protéger les villageois des morts-vivants.
Cet excellent texte se lit avec grand plaisir. L’imagination des Strougatski est impressionnante et les villageois tels qu’ils nous les décrivent sont presque des extra-terrestres tellement leur conduite est étrange bien que finalement cohérente. Le style toujours un peu elliptique des auteurs fait ici merveille.

2 : Dans le roman « L’escargot sur la pente », la forêt est toujours présente mais le lieu de l’action s’est déplacé car le principal protagoniste fait partie de l’Administration chargée d’étudier et de gérer la forêt. Le « héros », Perets, est linguiste et a été embauché pour l’étudier bien qu’il n’ait pas l’autorisation de s’y rendre...
Les bâtiments de l’Administration sont situés sur un piton rocheux dominant la forêt qui s’étend jusqu’à l’horizon. Perets ne cesse de se heurter à la logique administrative pendant tout le roman d’où une impression de non-sens et d’absurde. L’un des passages les plus réussis est le moment où le Directeur fait une communication téléphonique à l’ensemble des employés de l’Administration (page 64 et suivantes). Perets a du mal à distinguer de quoi parle le Directeur car l’appareil qu’il porte à son oreille n’est pas le sien...
Ce roman est une dénonciation du pouvoir bureaucratique qui par nature engendre l’inefficacité, l’arbitraire et tend à transformer les êtres humains en machines. De plus ,la bêtise et l’alcoolisme se conjuguent pour rendre supportable la situation. Sans raison explicite, Perets finira par devenir lui-même Directeur et comprendra qu’à son nouveau poste, il doit donner des directives, peu importe lesquelles. Il donnera donc l’ordre aux membres du « Groupe de l’Eradication » de s’éradiquer eux-mêmes.
Roman sombre, « L’escargot sur la pente » montre que les Strougatski n’étaient pas dupes du système communiste dans lequel ils vivaient. S’ils ont dû parfois donner des gages au régime pour pouvoir continuer à publier, il est clair que chaque fois qu’ils l’ont pu, ils ont pris leurs distances avec lui.

Pendant une dizaine d’années, de la fin des années 50 à la fin des années 60, les écrivains soviétiques ont profité d’une relative liberté de parole qui a contrasté avec la période précédente marquée par le pouvoir de Staline et avec la période suivante inaugurée par une reprise en main générale à partir de 1969. D’autres livres des Strougatski subiront les foudres de la censure : les romans « La troïka » et « Les mutants du brouillard » écrits les mêmes années que « L’escargot sur la pente » seront interdits en URSS jusqu’à la chute du régime communiste. Pendant la « glaciation » brejnévienne, les Strougatski choisiront d’écrire des romans toujours intéressants mais moins dérangeants pour le régime plutôt que d’être contraints d’émigrer...

Sylvain

« - Tout homme est un génie en quelque chose, répliqua le secrétaire adjoint. Il faut seulement trouver ce qu’il y a de génial en lui. Nous n’en avons pas l’idée, mais je suis peut-être un génie de la cuisine et toi, mettons, un génie de la pharmacie, mais ce ne sont pas nos occupations et nous montrons mal ce qu’il y a en nous. Le Directeur a dit qu’à l’avenir il y aura des spécialistes qui s’occuperont de ça, qu’ils chercheront à découvrir nos virtualités cachées.
- Tu sais, les virtualités, ce n’est pas quelque chose de très clair. Je ne dis pas le contraire, peut-être qu’il y a réellement du génie en chacun de nous. Mais que faire si ce génie ne peut trouver à s’appliquer que dans un passé reculé ou un futur lointain, alors que, dans le présent, il n’est même pas considéré comme du génie, que tu l’aies manifesté ou non ? C’est bien, évidemment, si tu te révèles un génie de la cuisine. Mais comment reconnaîtra-t-on que tu es un cocher de génie, Perets un tailleur de pointes de silex de génie, et moi le génial découvreur d’un champ X dont personne ne sait rien et qui ne sera connu que dans dix ans... C’est alors, comme disait le poète, que se tournera vers nous la face noire du loisir... »

in « L’escargot sur la pente », page 106.

Références :

- Critiques de « Coeur de chien » de Mikhail Boulgakov et de « L’escargot sur la pente » d’Arcadi et Boris Strougatski par Jean-Pierre Andrevon in Fiction n°233 (mai 1973).
- « De la science-fiction soviétique, par delà le dogme, un univers » par Leonid Heller (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979), pages 182 et 187 à 189.
- « Les mondes parallèles de la science-fiction soviétique » par Jacqueline Lahana (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979) pages 85 à 90.
- « Pour une approche de la Science Fiction soviétique » par Jacqueline Lahana in fanzine « SFère » n°6 (juillet 1983). Plusieurs numéros de ce fanzine-phare du début des années 80 peuvent être téléchargés ICI, notamment le numéro 6.

Liens :

- Le texte de « L’escargot sur la pente » est disponible en français et en ligne : ICI.

- Ma présentation de deux autres romans des frères Strougatski : "La seconde invasion des Martiens" et "L'île habitée".

- Les livres des frères Strougatski disponibles en russe sont ICI.




12.12.04
 
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Jack Williamson : « Les guerriers du temps ».
Editions Patrice Granet (2004).
Edition originale : « Legion of Time » (1938).
Traduit par Yannick Bourg, Yvon Borri et Patrice Granet.

Au même titre que « La légion de l’espace », « Les humanoïdes » ou « Plus noir que vous ne pensez », le roman de Jack Williamson « Legion of Time » a longtemps été considéré comme un classique de la Science Fiction américaine. La différence est que « Les guerriers du temps » puisque c’est son titre français n’avaient jamais été traduits chez nous. Il faut donc remercier Patrice Granet d’avoir mener ce projet à son terme.
Très bel objet d’abord, ce livre est illustré par une couverture tout à fait réussie de Julien Delval qui restitue bien l’atmosphère de la Science Fiction américaine des années trente.
Ce roman est d’abord paru comme feuilleton dans la revue « Astounding Science Fiction » pendant l’été 1938. Le thème en est le dilemme d’un habitant d’aujourd’hui (enfin presque...) qui apprend que ses actes vont grandement influer sur le futur. Il est contacté par des messagères de deux futurs possibles mais antagonistes. Les actes du héros décideront du futur virtuel qui adviendra réellement.
Le rythme est soutenu et il faudra bien des péripéties pour en arriver au happy-end de rigueur. Un roman qui se lit donc avec plaisir encore aujourd’hui et un véritable document sur l’histoire de la Science Fiction américaine.
Pour se procurer ce livre, il faut contacter Patrice Granet à l’adresse électronique suivante :
Patrice.GRANET@sncf.fr
et il vous en coûtera 29,90 euros.

Sylvain

Référence et citation :

« The legion of time, de Jack Williamson, parut dans les numéros de juin à août 1938 ; c’était un time opera très original et qui laissa une impression durable. (...) Je ne révélerai pas les péripéties et la chute surprenante de cet excellent roman car un éditeur français semble avoir l’intention de le publier. J’espère qu’il le fera car ce time opera de Williamson est réellement passionnant à suivre de bout en bout. »
Jacques Sadoul in « Histoire de la science-fiction moderne. 1911-1984 », éditions Robert Laffont (1984) page 118.

Exclusif ! Postface à "Les guerriers du temps" par Patrice Granet :

Jack Williamson (1908 - ) est l'une des dernières «icônes vivantes» de la SF. Il a commencé sa carrière dans les années 30 et la poursuit toujours. Une de ses dernières nouvelles "ultimate earth", parue en 2000, a d'ailleurs gagné les prix Hugo et Nebula.

Comme beaucoup de ses contemporains, il produit d'abord une très grande quantité de romans "légers", destinés à un public adolescent, et publiés dans des revues à bas prix, tel "Legion of Space" (1934).
"Legion of Time" (1938) marque un tournant dans son œuvre, tant sur la forme narrative, plus mature, que sur le fond de l'histoire, plus pessimiste et en phase avec le contexte international de l'époque, considérablement assombri par la montée du fascisme.

De fait, Williamson s'inspire directement de l'actualité. Ainsi, les guerriers du temps sont issus de nombreux pays et s'inspirent directement des brigades internationales qui venaient de s'illustrer en Espagne, tout comme ils préfigurent les futures alliances que vont nouer les Etats-Unis lors de la 2ème guerre mondiale. De même, il est fort intéressant de rapprocher les choix du héros "Dennis Lanning" (le futur de l'humanité va dépendre de ses orientations) et ceux à venir de l'Amérique (faut-il entrer en guerre?).

Dans la gestion des principaux protagonistes, Williamson se montre également d'une surprenante modernité.

Sur le rôle de la femme d'abord: le personnage le plus marquant est sans conteste Sorainya, la cruelle reine du sombre royaume de Gyronchi. Sexy, dévoreuse d'homme, générale d'une armée d'humanoïdes-fourmis, elle marche sur les traces de ses illustres (!) devancières: l'impératrice chinoise Cixi, Lucrèce Borgia…
Par opposition Lethonee, représentante de la pacifique civilisation de Jonbar, incarne la retenue, la modestie … Un peu mièvre, elle ne fait que suivre les événements, et hérite du pouvoir plus qu'elle ne le conquière.

Le traitement des personnages masculinsest similaire. Lanning, le militaire, à qui devrait échoir le rôle classique du héros, est plus entraîné par l'action qu'il ne la contrôle. Ramené à un rang de simple "meneur d'hommes", il manque de substance, et d'envergure, choisissant plus entre deux femmes qu'entre deux régimes politiques, deux destins pour l'humanité !
Véritable père spirituel du précédent, Wilmot Mac Lan, le scientifique, est celui qui porte la vision politique, le sens du devoir. Mais là encore, quel personnage ambigu ! Certes il hérite des savants du 19ème siècle, de cette époque où la science et un homme audacieux pouvait tout entreprendre, tout réaliser. Mais l'aventurier a été brisé physiquement par les supplices infligés par Sorainya. De plus l'inventeur brillantissime n'a pas su prévoir les conséquences de ses actes et son aveuglement a doté Gyronchi de ses armes les plus puissantes… Tel Nobel, et bien avant Einstein, ce n'est qu'après avoir libéré le démon que Mac Lan prend conscience du côté sombre de ses découvertes.

La fin ambiguë du livre renforce le sentiment de noirceur. Certes, elle préfigure la victoire des alliés sur le nazisme. Mais, de la même façon que la guerre froide montrera que rien était définitivement résolu, la fusion Lethonee Sorainya ouvre des perspectives inquiétantes. Il convient de noter la difficulté qu'a représentée la traduction de ce dénouement où tout se joue sur un jeu de mots: "one" en anglais et "réunis-réunies" en français.

"Legion of Time" ouvre une nouvelle ère dans l'oeuvre de Williamson, elle annonce d'autres textes tels "Darker than you think" (1940), "The humanoids" (1948). Dans "Darker than you think", l'auteur ira d'ailleurs au bout de sa logique puisque l'héroïne basculera définitivement du côté sombre et que le héros l'y suivra.

Patrice Granet




6.12.04
 
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Jack Williamson : « Les humanoïdes »
Editions françaises :
1 et 2 : Editions Stock (1950 et 1971) ;
3 : Edito-Service (1974) ;
4 : Livre de Poche n°7003 (1977) ;
5 : Presses Pocket n°5284 (1988).
Edition originale : « The Humanoids » (1949).
Traduit par Philippe Sterne.

Jack Williamson est né en 1908 à Bisbee dans l’Arizona. Son grand âge en fait aujourd’hui le doyen de la SF américaine. Enfant, il a connu les chariots bâchés que l’on voit dans les westerns et qui permirent à sa famille d’aller jusqu’au Nouveau-Mexique.
Il grandit dans une ferme isolée du monde et connaît bien les fondamentalistes religieux (ceux qui font une interprétation littérale de la Bible).
Il commence à publier en 1928 et est alors très influencé par l’un des maîtres de la littérature fantastique d’alors : Abraham Merritt. Il écrira par la suite des space opera (série de la légion de l’espace) et des « time opera » ("Legion of time", en français "Les guerriers du temps"). Il est également l’auteur du roman « Plus noir que vous ne pensez », un classique de la Science Fiction et ne cessera de publier que dans les années 1990.

« Les humanoïdes » est un de ses romans les plus célèbres. Il a longtemps été considéré comme un des chefs d’oeuvre de la Science Fiction.
L’histoire se passe plusieurs milliers d’années dans le futur et l’homme a colonisé de nombreuses planètes. Parfois les choses ne se sont pas bien passées et la civilisation a pu régresser à un niveau préindustriel. Les connaissances scientifiques sont alors oubliées jusqu’à ce que la marche en avant reprenne et que des savants redécouvrent le savoir de leurs ancêtres. C’est la situation de la planète où l’action des « humanoïdes » se déroule. Le savoir scientifique est comparable au niveau des années 40 américaines. La planète est unifiée mais la menace vient d’abord d’une civilisation totalitaire d’un système solaire proche : les triplanétaires. Dans ce roman publié d’abord en 1949, on reconnaîtra au passage le conflit USA-Allemagne nazie.

Le personnage principal de ce roman est le Dr Clay Forester, un physicien de génie qui grâce à ses découvertes a mis au point une arme permettant d’annihiler les planètes triplanétaires si celles-ci décident d’attaquer. Les découvertes de Forester sont fondées sur le « rhodo-magnétisme », une sorte de magnétisme basé sur le rhodium, le nithénium et le palladium. La maîtrise de ce nouveau domaine scientifique permet de libérer une énergie colossale et de dépasser la vitesse de la lumière.

Peu avant que les puissances triplanétaires ne se décident à frapper, Forester est contacté par Mark White, un philosophe venu l’avertir qu’un danger encore plus grand menace sa planète : les « humanoïdes ». Ce sont des robots utilisant la technologie rhodo-magnétique dont les buts sont de servir les hommes et de les protéger du mal. Ils sont tous reliés à un gigantesque cerveau artificiel situé sur la planète Aile IV qui contrôle chacun de leurs faits et gestes. White prévient Forester que les vaisseaux humanoïdes sont déjà en route et qu’ils vont intervenir avant que la guerre n’éclate avec les puissances triplanétaires et effectivement l’invasion a bientôt lieu...
Les humanoïdes ne sont pas ouvertement violents, ils ont été programmés pour surtout empêcher les hommes de faire le mal ou de se faire du mal. Ainsi les robots empêchent-ils peu à peu les hommes de fumer, de faire du vélo ou de se livrer à la recherche scientifique par exemple. Les maisons sont agrandies et deviennent luxueuses et sans danger mais les portes ne peuvent plus être ouvertes que par les robots...
Ceux qui ne parviennent pas à trouver le bonheur sont exposés à l’euphoride, une drogue qui rend amnésique et fait retomber en enfance.

Mark White dirige en fait un groupe de résistants dont le but est de détruire le cerveau dirigeant les humanoïdes. Ce groupe de résistants est constitué par des hommes et une petite fille faisant preuves de dons parapsychologiques comme la télépathie, la psychokinésie ou la téléportation, toutes choses inconcevables pour les machines.
Après quelques péripéties, Forester rejoint White et étudie le moyen de modifier la programmation du cerveau électronique humanoïde. Au moment où il croit réussir, il se heurte à Frank Ironsmith qui a jadis travaillé comme technicien pour Forester. Ironsmith est en fait membre d’un autre groupe d’hommes qui ont choisi de se mettre au service des machines en échange de leur liberté. Ces « collabos » vont aider les humanoïdes à mettre au point une technologie permettant de mettre en échec les facultés parapsychologiques des résistants. Ces derniers seront faits prisonniers et deviendront les cobayes d’expériences scientifiques.
Finalement, le triomphe des humanoïdes sera total : le cerveau des récalcitrants sera opéré et les résistants ne comprendront même plus pourquoi ils résistaient. Le livre se clôt sur l’image d’anciens résistants « reprogrammés » partant à la conquête de la galaxie d’Andromède...

Pendant des décennies, « Les humanoïdes » a été considéré comme un des chefs d’oeuvre de la Science Fiction. Aujourd’hui un peu oublié, ce texte a vieilli par certains aspects. Les explications pseudo-scientifiques par exemple peuvent maintenant faire sourire et la parapsychologie est un peu passée de mode. La figure de style consistant à prétendre décrire un monde futur assez éloigné de nous pour ne nous montrer finalement que des hommes qui pourraient être nos contemporains est vieillotte et l’effet d’étrangeté s’est émoussé. Malgré tout, ce roman reste intéressant car le rêve d’une vie aseptisée et sans aucun risque que les humanoïdes organisent pour les hommes est bien présent à notre époque. Qu’on songe à l’extension toujours plus grande du principe dit « de précaution » par exemple ou aux campagnes irrationnelles contre le tabac dont l’objet réel est de toujours plus renforcer le contrôle social de la vie des individus au nom d’une mythique « santé publique »...

D’après ses écrits et ses interviews, Jack Williamson a été très marqué par Hiroshima et Nagasaki et la peur de l’annihilation mutuelle des belligérants est bien présente dans ce roman. Publié en 1949, il est exactement contemporain de la publication du célébrissime roman de George Orwell « 1984 ». Les deux romans reposent sur la peur du contrôle total de la vie humaine par des machines presque pensantes chez Williamson, par un ordre socialiste totalitaire chez Orwell. Chez Williamson, les machines interviennent d’abord pour empêcher la guerre, chez Orwell, cette dernière justifie tout. Chez Williamson, la mémoire individuelle peut être abolie par une drogue, chez Orwell, le passé peut être réécrit par une administration. Orwell imagine décrire l’univers communiste, Williamson invente une métaphore du monde social-démocrate contemporain.

Sylvain

P.S. : à noter qu’en 1980, Jack Williamson a donné une suite intitulée « The Humanoid Touch » à son roman. Cette suite est demeurée inédite en français.

Références :

- Préface de Jacques Bergier à « Plus noir que vous ne pensez », éd. Rencontre (1970).
- Préface de Pierre Versins à « Les humanoïdes », éd. Edito-Service (1974).
- « Rencontre avec l’auteur : Jack Williamson » par Jean-Pierre Moumon et Martine Blond in « Antarès » n°5 (1982).
- « Portrait de l’artiste en jeune loup-garou » par Patrice Duvic, introduction à « Millions de soleils », une anthologie des meilleures nouvelles de Jack Williamson (Presses Pocket n°5285, 1988, col. « Le grand temple de la S.F. »).


Illustration de Christian Broutin pour « Les humanoïdes » paru chez Edito-Service en 1974.

Quelques mots sur la nouvelle « Les bras croisés » du même auteur :

La nouvelle « Les bras croisés » a été publiée à l’été 1947. C’est elle qui a servi de matrice au roman « Les humanoïdes ». L’argument en est similaire mais les différences sont révélatrices.
Le récit se passe sur Terre dans le futur proche. Underhill vend des androïdes qui sont des sortes de robots ménagers. Les affaires ne sont pas très bonnes et un nouveau concurrent s’installe en ville : « l’Institut Humanoïde ». Les machines proposées par cet « institut » sont bien plus performantes que les robots habituels. Il n’est plus besoin de travailler et le coût peut sembler peu élevé : pour bénéficier de tous les avantages fournis par les humanoïdes, il suffit de céder l’ensemble de ses biens à l’institut... Le succès est immédiat et bientôt, les hommes ne peuvent plus conduire leur voiture, jouer aux fléchettes ou bricoler... La police elle-même ne sera bientôt plus nécessaire.
Le siège de l’Institut Humanoïde est installé sur la planète Aile IV et ses machines utilisent les technologies issues du « rhodo-magnétisme ».
En même temps, la femme d’Unterhill accueille chez eux un nouveau locataire qui se révèle être l’inventeur des humanoïdes. Après avoir mis au point des armes au pouvoir de destruction terrifiant sur sa planète natale, il a assisté à leur utilisation et a voulu rendre une nouvelle guerre impossible en inventant les humanoïdes et le cerveau électronique qui les dirige. Cet homme est devenu un réfugié qui fuit l’avance planète après planète des humanoïdes. Ceux-ci sont programmés pour respecter sa liberté tant qu’il ne s’attaque pas directement à eux.
La fin est aussi pessimiste dans cette nouvelle que dans le roman : pas d’« euphoride » certes mais une opération chirurgicale du cerveau qui rend les hommes heureux malgré eux. Quelques différences entre les deux cependant : pas de parapsychologie dans la nouvelle - Jack Williamson explique que c’est l’influence de John W. Campbell, le rédacteur-en-chef du magazine « Astounding Stories » qui l’a poussé à écrire le roman en y intégrant cette dimension paranormale - ; le récit se passe dans un futur proche plutôt que dans un futur lointain ressemblant étrangement au présent, ce qui rend le récit plus crédible. Une nouvelle qui reste excellente et qui a moins vieilli que le roman.

Sylvain

Références : la nouvelle « Les bras croisés » a été éditée dans le recueil intitulé « Millions de soleils » (op. cit.).
Elle avait été précédemment éditée dans l’anthologie « Chefs d’oeuvre de la science-fiction » (Fiction spécial n°11, éditions OPTA, 1967) et dans le recueil réuni par Robert Silverberg « Des hommes et des machines » (éd. Marabout n°434, 1973).

 

 
   
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