26.10.05
************************* Eric S. Raymond : « A Political History Of SF », un point de vue libertarien sur l’histoire de la Science Fiction américaine.Merci à Sekonda de m’avoir fait connaître ce texte.Eric S. Raymond est un informaticien libertarien connu. Il a notamment publié « The Cathedral And The Bazaar » dans lequel il défend le principe des logiciels « Open Source ». Il existe peu d'histoires de la Science Fiction disponibles aujourd'hui en français, la meilleure restant l' « Histoire de la science-fiction moderne » de Jacques Sadoul dont la dernière édition date tout de même de 1984. Le texte d'Eric S. Raymond a pour particularité de résumer l'histoire de la Science Fiction américaine d'un point de vue libertarien, ce qui débouche sur une réflexion sur ce qu’est la Science Fiction. Pour les lecteurs non anglophones, je commence par présenter cet essai. Résumé :Pour E. S. Raymond, la Science Fiction américaine moderne a connu une succession de cinq révolutions littéraires, esthétiques mais aussi politiques. Une d’entre elles a réussi, les quatre autres ont échoué. 1 : les « Campbelliens » : En 1937, John W. Campbell prend la direction du magazine « Astounding Science Fiction ». Jusqu’ici, la Science Fiction américaine s’inspire de Jules Verne et de H.G. Wells et ne craint pas de recourir systématiquement aux stéréotypes tels le savant fou, les mondes perdus, les rayons de la mort et autres blondes en petite tenue menacées par des monstres extraterrestres. Seuls quelques auteurs comme E.E. « Doc » Smith et son roman « La Curée des astres » sont encore lisibles aujourd’hui. Avec Campbell, les choses vont changer. Les auteurs qu’il va publier devront soigner leur style et la construction dramatique de leurs récits mais par dessus-tout, il devront proposer des textes scientifiquement plausibles. Campbell va créer une école dont feront parti Robert Heinlein, Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Poul Anderson et Hal Clement. Le plus important d’entre eux est Robert Heinlein dont l’influence est déterminante. Publié dès 1939, c’est lui qui va inventer certaines techniques d’écriture comme le fait de présenter l’univers dans lequel évoluent les personnages par petites touches plutôt que par de longs exposés didactiques. Les autres magazines de l’époque devront suivre le mouvement impulsé par Campbell et Heinlein et la Science Fiction américaine devient un champ littéraire très particulier où les récits des uns et des autres semblent se répondre. Cette période qui va de la Seconde guerre mondiale jusqu’aux années cinquante est appelée « l’Age d’Or » par les historiens de la Science Fiction. Si des Space Opera et des récits d‘aventure « à l’ancienne » continuent à être publiés, le cœur de la Science Fiction est désormais la « Hard SF ». La cohérence scientifique devient impérative : les récits doivent se conformer à l’état du savoir scientifique de l’époque et être cohérent en eux-même. Une erreur scientifique est immédiatement remarquée et fait les délices du courrier des lecteurs. Seuls quelques impossibilités scientifiques comme les vaisseaux spatiaux se déplaçant plus vite que la lumière sont tolérés. Politiquement, la plupart de ces récits défendent l’individu, notamment l’individu capable et compétent tel l’emblématique D.D. Harriman, le héros de « L’homme qui vendit la Lune » de Robert Heinlein. On trouve aussi dans ces récits une méfiance instinctive à l’égard des « solutions » collectives supposées régler les problèmes que les sociétés modernes peuvent rencontrer et une grande suspicion vis-à-vis des hommes politiques qui ne sont jamais présentés sous un jour favorable (« Fondation » d’Isaac Asimov étant une exception). Cette posture politique originale n’est ni conservatrice ni spécialement « de droite » et encore moins réactionnaire. Comment pourrait-elle l’être quand les écrivains et les lecteurs de Science Fiction passent leur temps à imaginer et à apprécier des expériences mentales mettant en scène des bouleversements radicaux dans la vie des sociétés voire dans la nature humaine elle-même ? 2 : les « Futurians » : Cependant, pour des raisons tant politiques qu’esthétiques, certains auteurs vont rejeter le modèle campbellien. Ces écrivains emmenés par Frederic Pohl et le club d’amateurs de SF de New York qui s’appelle les « Futurians » vont proposer des récits dans lesquels la science n’occupe plus un rôle central. Le changement servant de prétexte au récit qui prenait sa source dans l’évolution technologique doit désormais résulter de changements politiques ou sociaux. L’archétype de ce type de récit est le roman « Planète à gogos » de Frederic Pohl et Cyril Kornbluth. Politiquement, il faudra attendre le milieu des années quatre-vingt-dix pour apprendre que beaucoup des « Futurians » étaient membres du Parti communiste américain ou au moins « compagnons de route »... Leur point de vue critique sur la « société de consommation » doit beaucoup à celui développé par les marxistes « critiques » du mouvement appelé « école de Francfort ». Mais la révolte « futurienne » sera aisément absorbée par le courant dominant de la Science Fiction américaine. Dès le milieu des années soixante, les extrapolations à base sociologique sont utilisées par les auteurs de l’ « Age d’or » et la place centrale de la science n’est plus remise en cause. Robert Heinlein atteint le sommet de sa carrière en 1967 avec son roman « Révolte sur la Lune ». 3 : la « New Wave » : Les inventeurs de la « New Wave » sont les Britanniques Michael Moorcock, J.G. Ballard et Brian Aldiss. Ils sont marxistes, socialistes et rejettent l’individualisme. Important des techniques d’écriture du champ littéraire dans la Science Fiction, ils rejettent également la linéarité du récit, les « happy end » et la rigueur scientifique. Autre facteur important, ils sont en révolte contre l’hégémonie américaine dans le domaine de la SF. Par la suite, les auteurs américains qui s’inscriront dans ce mouvement seront très liés au mouvement d’opposition à l’intervention américaine au Vietnam. Au milieu de nombreux textes sans aucun intérêt aujourd’hui, surnagent quelques perles : la nouvelle « Les Cavaliers du fiel ou le Grand Gavage » de Philip José Farmer, « Le Monde vert » de Brian Aldiss, « The Great Clock » de Langdon Jones et quelques textes d’Harlan Ellison. C’est l’époque où les discussions sur ce qu’est et surtout sur ce que doit être la Science Fiction sont nombreuses. Même si la New Wave ne sera pas assimilée aussi facilement que les Futurians l’avaient été, quelques techniques d’écriture et quelques centres d’intérêt deviendront habituels dans le courant dominant de la SF américaine. Le changement le plus notable est la disparition du tabou concernant la sexualité. Parmi les auteurs de l'Age d'or, seul Robert Heinlein avait osé s’y attaquer en 1961 avec son roman « En terre étrangère », livre qui a aidé à la naissance de ce que l’on a appelé par la suite la « contre-culture ». Un coup terrible est porté à la New Wave en 1977 avec la sortie du film « La Guerre des étoiles » qui introduit dans le grand public - et avec quel succès ! - une imagerie pré-campbellienne dont on peut faire remonter l’origine au roman « Les Rois des étoiles » d’Edmond Hamilton publié en 1949. Dans le domaine de la Science Fiction, la guerre du Vietnam n’a pas seulement aidé à l’apparition de la New Wave. Elle a provoqué des dissensions importantes dans la droite américaine. On trouve d’un côté la droite conservatrice parfois religieuse et souvent militariste et de l’autre, des libéraux et des conservateurs partisans d’un État fédéral faible. Ces deux différentes tendances s’étaient alliées par la force des choses après 1910 aux États-Unis et en Grande-Bretagne afin de résister à la montée en puissance de la gauche socialiste. Après l’échec aux élections américaines de Barry Goldwater en 1964, la rupture entre les deux factions va être consommée et des dissidents libéraux et des radicaux opposés à l’intervention américaine au Vietnam vont créer le « Libertarian Party ». Ce nouveau parti politique fondé en 1971 rejette à la fois le conservatisme social de la droite et le redistributionnisme étatiste de la gauche. Si cet épisode de la vie politique américaine a sa place ici, c’est que le programme du Libertarian Party reprend en les radicalisant et en les mettant en forme les idées politiques plus ou moins implicites de la Hard SF campbellienne. Ce n’est pas une coïncidence car beaucoup des membres fondateurs de ce parti étaient des lecteurs de Science Fiction et ont puisé leur inspiration à la fois dans la Science Fiction polémique d’Ayn Rand, l’auteur des romans « Atlas Shrugged » et « La Source vive », mais aussi dans l’ensemble du genre. Des textes comme « Révolte sur la Lune » de Robert Heinlein, « Lone Star Planet » de H. Beam Piper et « Pas de trêve avec les Rois ! » de Poul Anderson peuvent être vu rétrospectivement comme des textes « proto-libertariens ». Pour revenir à l’histoire de la Science Fiction, les années qui suivent 1977 sont une période de confusion dans l’édition. Cette période ne prend fin qu’en 1982 avec la publication de « Marée stellaire » de David Brin. Avec Greg Bear et Gregory Benford, David Brin replace la science et la technologie au cœur de la Science Fiction. Robert Heinlein et Poul Anderson verront en eux leurs héritiers et ces jeunes auteurs deviendront les nouvelles « stars » de la Science Fiction. Cette nouvelle Hard SF reprend les thèmes et les images de la SF campbellienne, elle renoue avec la défense de l’individualisme et se méfie de la politique. Le temps passant, la fracture se creuse entre des auteurs franchement libertariens comme L. Neil Smith (auteur des romans « The Probability Broach » et « Forge Of The Elders ») et d’autres clairement conservateurs et militaristes comme Jerry Pournelle et David Drake. La tension entre les deux groupes apparaît parfois au grand jour car tous se réclament de l’héritage de Robert Heinlein. Celui-ci, toujours très admiré et respecté aux États-Unis, aussi bien par les lecteurs que par les autres auteurs, a toujours gardé de bonnes relations personnelles avec les écrivains conservateurs mais il se proclamera lui-même libertarien à la fin de sa vie (il décède en 1988). Par ailleurs, les idées politiques libertariennes apparaissent également dans des récits plus consensuels comme le cycle « Across Realtime » de Vernor Vinge ou le roman « Immortalité à vendre » de Joe Haldeman. 4 : les « Cyberpunk » : Les « Cyberpunk » constituent la troisième tentative avortée de détrôner la Science Fiction campbellienne. On fait en général remonter le mouvement cyberpunk à la publication en 1984 du roman de William Gibson « Neuromancien » et on n‘y voit pas un mouvement politique particulier. Cependant, il faut noter que Bruce Sterling qui devint le chef de file de ce courant de la Science Fiction à la fin des années quatre-vingt l’a baptisé lui-même « The Movement », nom qui fait référence à l’agitation étudiante radicale des années soixante. D’un point de vue stylistique, les Cyberpunk sont beaucoup moins innovateurs que les auteurs de la New Wave. Les thèmes mis en avant comme la réalité virtuelle, l’omniprésence des ordinateurs, les cyborgs, la modification du corps humain ou les nouvelles féodalités étaient déjà apparus dans le roman de Hard SF classique « True Names » de Vernor Vinge et même dans « Planète à gogos » de Pohl et Kornbluth. Neal Stephenson signe la fin de l’ère cyberpunk en 1992 avec son roman « Le Samouraï virtuel », l’un des seuls textes avec « La Schismatrice » de Bruce Sterling et « Câblé » de John William à suivre de très près les règles définies par « Neuromancien ». Mais alors que William Gibson décrit un capitalisme futur néo-féodal dans lequel les individus ne sont rien, Neal Stephenson met en scène un capitalisme triomphant franchement libertarien. L’individualisme cher au cœur des auteurs campbellien de l’Age d’Or reparaît et ce, de bien belle façon. Pendant toutes ces années, les lecteurs votent souvent au prix Hugo pour des auteurs qui s’inscrivent dans la tradition campbellienne comme Lois McMaster Bujold et Greg Egan publie en 1997 ce qui est peut-être le meilleur roman de Hard SF de tous les temps : « Diaspora ». En 1994, les critiques eux-mêmes se rendront compte que le cœur de la Science Fiction est bien la Hard SF. C’est par rapport à elle que les autres courants se définissent et peuvent être compris et analysés. Le fameux « Sens Of Wonder » qui permet d’apprécier et d’aimer la Science Fiction apparaît quand il est clair que la raison et la science permettent de comprendre et de connaître l’univers qui nous entoure. Les liens entre la Science Fiction et le libertarianisme sont toujours actifs aujourd’hui. Le seul prix littéraire de Science Fiction reposant sur des idées politiques est le prix « Prometheus » décerné chaque année à la convention mondiale de Science Fiction par la « Libertarian Futurist Society ». Il n’y a l’équivalent pour aucune autre tendance politique. Qu’on les aime ou pas, les écrivains libertariens L. Neil Smith, F. Paul Wilson, Brad Linaweaver ou J. Neil Schulman constituent une famille unique dans la Science Fiction américaine. 5 : la « Radical Hard SF » : Bien entendu, cette situation ne plaît pas à tout le monde. Maintenant que le rôle central de la Hard SF est reconnu inéluctable, l’opposition va venir de gens qui voudraient séparer libertarianisme et Hard SF. Il s’agit de tenter de séparer la dimension politique libertarienne de la Hard SF tout en conservant l'appareil conceptuel de la Hard SF. C’est ce que tentent de faire les critiques David Hartwell et Kathryn Cramer dans leur recueil publié en 2002 : « The Hard SF Renaissance ». Il s’agit pour eux de promouvoir une Hard SF qui rompe avec les idées supposées être « de droite » qu’elle véhiculait jusqu’ici. La sympathie de Hartwell et Cramer pour les « Radicaux » de gauche est évidente et ils identifient le libertarianisme à la droite conservatrice, ce qui est une erreur courante à gauche où on a du mal à concevoir que des idées qui ne sont pas « de gauche » ne sont pas forcément « de droite » non plus et que la défense de l’économie de marché ne va pas forcément de pair avec des idées sociales conservatrices. Le programme de la « Radical Hard SF » ou « Hard SF de gauche » est-il possible ? Par définition, la Science Fiction ne favorise pas le conservatisme, au contraire, elle prépare les esprits à des bouleversements radicaux. Dans ce sens, Hartwell et Cramer enfoncent une porte ouverte et le vrai problème pour eux est sans doute plutôt l’existence de liens particuliers entre libertarianisme et Hard SF. Ces liens sont-ils un accident de l’histoire ou sont-ils quelque chose de beaucoup plus profond ? Les auteurs de Science Fiction se posent la question des futurs possibles et tentent d’imaginer des transformations radicales dans la vie des hommes. Ces changements s’appuient rationnellement sur la croissance du savoir et de la connaissance. Des idées comme la vie éternelle ou des vaisseaux se déplaçant dans l’espace sont des images fortes qui prennent place dans une conception de l’univers selon laquelle celui-ci est connaissable. Cette connaissance n’est elle-même atteinte que par la méthode scientifique. La majorité des textes de SF sont optimistes quant au futur qu’ils décrivent, une raison toute bête en est que les livres de Science Fiction sont achetés par de « vrais gens » et qu’en général, les vrais gens préfèrent les histoires qui se terminent bien... Même les textes pessimistes comme les anti-utopies ou les « romans d’avertissement » mettent en scène un univers connaissable. Ce n’est pas la malchance ou la colère d’un dieu capricieux qui provoquent notre malheur mais notre manque d’intelligence ou notre incapacité à utiliser correctement et efficacement notre raison. Finalement, le message le plus important de la Science Fiction est que le progrès scientifique est notre meilleur espoir pour améliorer l’existence humaine. Même quand les scientifiques et les ingénieurs ne sont pas les héros d’une histoire de Science Fiction, ils en sont néanmoins les héros implicites car ils font que l'avenir sera différent de notre présent, ils créent de nouvelles possibilités, ils libèrent le futur. Toutes les idées politiques ne sont pas également favorables à ce processus de découverte et de progrès, tout comme elles ne sont pas toutes également favorables à la liberté individuelle. Les adversaires du progrès de la connaissance sont d'abord les tenants d'un pouvoir politique fort qui auront toujours tendance à utiliser le savoir pour leur propre intérêt au détriment de la population et qui iront jusqu'à museler ou déformer le savoir scientifique. Un exemple célèbre est le lyssenkisme, une biologie pseudo-scientifique protégée par Staline. Ce n'est pas un hasard si cet hymne à la liberté qu'est la Science Fiction unit d'un même mouvement progrès scientifiques et techniques et libertés économiques : les uns ne vont pas sans les autres. Les modes idéologiques vont et viennent et les lecteurs comme les auteurs redécouvrent périodiquement que la liberté est une donnée essentielle à la bonne Science Fiction. D'autres révoltes contre le modèle campbellien auront sans doute lieu à l'avenir mais elles suivront plus ou moins toujours le même chemin. Leurs préoccupations proprement littéraires seront assimilées par le courant dominant de la SF tandis que leur programme politique sera mis de côté. La Science Fiction continuera à intriguer les observateurs extérieurs qui ont du mal à comprendre que par définition elle ne peut pas être conservatrice ni réactionnaire et qui ont tendance à oublier son radicalisme sous-jacent en faveur de la liberté. Quelques commentaires :Un texte d'Eric S. Raymond bien intéressant donc surtout ici en France où l'individualisme a été érigé en « problème » par les hommes de l'État. Il est vrai que la défense inconditionnelle de la liberté individuelle est le seul moyen connu de résister à la tendance naturel qu'a l'État de croître et d'envahir toujours plus nos vies. L'État et ses serviteurs sont prêts à tout pour nous obliger à vivre et à penser droit. Je voudrais revenir ici sur quelques aspect de cette analyse et d'abord sur le cas Cyril Kornbluth. Membre éminent du groupe dit des « Futurians » , Kornbluth a publié en 1953 un roman qui rentre tout à fait dans la catégorie des romans proto-libertariens définit par Eric Raymond : « Le Syndic ». Dans cette Amérique future, le gouvernement américain n'a plus aucun pouvoir et n'intéresse pas grand monde (Neal Stephenson se souviendra de cette idée dans « Le Samouraï virtuel »). Le pouvoir ou du moins quelque chose qui y ressemble un peu est exercé par les descendants des gangsters et des mafias d'aujourd'hui. Kornbluth leur attribue dans son roman des qualités morales élevées. L'autre roman à mentionner est « Ce n'est pas pour cette année » publié en 1955. Cette fois, c'est l'aspect farouchement anti-communiste du texte qui est intéressant. Dans un futur proche, les Russes et les Chinois envahissent les États-Unis et y instaurent une dictature communiste. Kornbluth se montre très informé de ce qui se passait réellement à l'époque dans les pays communistes et son récit est passionnant. Donc tous les Futurians n'étaient pas communistes mais Kornbluth est cependant une exception. Ces deux romans sont peu connus des amateurs français de Science Fiction, ce qui est dommage car malgré les années, ils se lisent encore avec grand plaisir. Dans la catégorie des romans proto-libertariens, on peut aussi mentionner le roman du Britannique Eric Frank Russell « La Grande explosion » publié en 1962. Si de nombreux textes publiés par les Futurians se lisent encore souvent avec plaisir aujourd'hui, ce n'est pas toujours le cas avec les textes expérimentaux de la New Wave pourtant plus récents. Les textes qui se sont voulus être les plus littéraires sont en général illisibles aujourd'hui et on a parfois du mal à comprendre comment de tels textes ont pu être édités. Déjà à l'époque, le succès n'était pas flagrant puisque la revue emblématique du genre, « New Worlds » dirigée par Michael Moorcock a survécu pendant plusieurs années grâce à des subventions publiques obtenues grâce à l'influence de Brian Aldiss. La chose est racontée par Maxim Jakubowski dans sa préface au « Livre d'or » consacré à Brian Aldiss (éd. Presses Pocket n°5150, 1982, page 18). Naturellement, Maxim Jakubowski n'y voit pas malice... A une époque plus récente, l'apparition d'auteurs dont l’œuvre est une célébration des idées libertariennes est un phénomène qui peut nous sembler à nous Français étrange mais qui est en même temps un signe d'espoir pour l'avenir. Dans son premier roman « The Probability Broach » dont l'édition originale date de 1980, L. Neil Smith démarre son récit par une enquête policière lors de laquelle son personnage découvre que les univers parallèles existent réellement. Dans l'un d'entre eux, l'Amérique du Nord est devenu progressivement libertarienne ( Lysander Spooner est élu président en 1860 alors qu'Ayn Rand l'est en 1952 ; Robert Heinlein, lui devient amiral et gagne une bataille décisive contre les Russes en 1957)... Dans un autre de ses romans, « Forge Of The Elders » publié initialement en 2000, un État mondial est réalisé sur Terre et l'économie s'enfonce dans la dépression. Les humains recherchent des minerais dans l'espace sur les astéroïdes quand ils vont rencontrer les Elders, une race de pieuvres extraterrestres intelligentes dont l'organisation économique est capitaliste... En France, pareille discussion n’est même pas imaginable. Les idées politiques libérales classiques sont assimilées à la droite et quant aux idées libertariennes, elles commencent tout juste à être connues. Dans le champ de la Science Fiction française, il n’existe malheureusement aucun texte à ma connaissance qui soit l’équivalent de « Révolte sur la Lune » ou de « Forge Of The Elders ». On continue en France à croire que le bonheur ne peut venir que de l’intervention étatique dans notre vie... Sylvain Liens :- La Home Page d’Eric S. Raymond. - « A Political History of SF » par Eric S. Raymond. - Un autre essai d'Eric S. Raymond sur la Science Fiction : « SF Words And Prototype Worlds ». - « The Cathedral and the Bazaar ». - Armed and Dangerous, le blog d’E.S. Raymond. - La page « Libertarian science fiction » de l'encyclopédie en ligne Wikipedia. Annexe : liste des oeuvres citées :N.B. : j’ai indiqué d’abord les titres originaux puis les titres français quand la traduction existe. Je n’ai indiqué les références éditoriales complètes que pour les nouvelles traduites en français. Brian Aldiss : « Hothouse Stories » (« Le Monde vert ») ; Poul Anderson : « No Truce With Kings » (« Pas de trêve avec les Rois ! » in Fiction n°127, juin 1964) ; Isaac Asimov : « Foundation » (« Fondation ») ; David Brin : « Startide Rising » (« Marée stellaire ») ; Greg Egan : « Diaspora » ; Philip José Farmer : « Riders of the Purple Wage » (« Les Cavaliers du fiel ou le Grand Gavage » in anthologie « Dangereuses visions » tome 1, éd. J‘ai lu n°627, 1975) ; William Gibson : « Neuromancer » (« Neuromancien ») ; Joe Haldeman : « Buying Time » (« Immortalité à vendre ») ; Edmond Hamilton : « The Star Kings » (« Les Rois des étoiles ») ; Robert Heinlein : « Stranger In A Strange Land » (« En terre étrangère ») ; « The Man Who Sold The Moon » (« L‘homme qui vendit la Lune ») ; « The Moon Is A Harsh Mistress » (« Révolte sur la Lune ») ; Langdon Jones : « The Great Clock » ; Cyril Kornbluth : « The Syndic » (« Le Syndic ») ; « Not This August » (« Ce n’est pas pour cette année ») ; H. Beam Piper : « Lone Star Planet » ; Frederic Pohl et Cyril Kornbluth : « The Space Merchants » (« Planète à gogos » ) ; Ayn Rand : « Atlas Shrugged » ; « The Fountainhead » (« La Source vive ») ; Eric Frank Russell : « The Great Explosion » (« La grande explosion ») ; E.E. « Doc » Smith : « Skylark of Space » (« La Curée des astres ») ; L. Neil Smith : « Forge Of The Elders » ; « The Probability Broach » ; Neal Stephenson : « Snow Crash » (« Le Samouraï virtuel ») ; Bruce Sterling : « Schismatrix » (« La Schismatrice ») ; Vernor Vinge : « Realtime » (cycle composé de deux romans : « The Peace War » et « Marooned In Realtime » entre lesquels se situe la nouvelle « The Ungoverned » ; seul le deuxième roman a été traduit en français sous le titre « La Captive du temps perdu ») ; « True Names » ; John Williams : « Hardwired » (« Câblé »).
18.9.05
************************* Anniversaire : Merci à Sekonda pour ce cadeau !
14.8.05
************************* Actualité : les prix Prometheus 2005.Les prix Prometheus 2005 ont été proclamés à la Convention mondiale de la Science Fiction le 5 août dernier à Glasgow en Écosse. Deux catégories : meilleur roman de l’année et "Hall of Fame" pour les textes plus anciens. Les lauréats sont Neal Stephenson pour son roman "The System of the World" dans la catégorie "Meilleur roman" et A. E. Van Vogt pour son roman "Les armureries d'Isher" dans la catégorie "Hall of Fame". Deux prix spéciaux ont été décernés, l'un à "The Probability Broach: The Graphic Novel" écrit par L. Neil Smith et illustré par Scott Bieser, l'autre aux anthologies présentées par Mark Tier et Martin H Greenberg "Give Me Liberty" et "Visions of Liberty". Bien que plusieurs fois nominé, c'est la première fois que Neal Stephenson obtient le prix Prometheus. "The System of the World" est le dernier volume de la trilogie "Baroque Cycle". L'auteur raconte le triomphe des idées libérales classiques au 18ème siècle, idées qui ont ouvert la voie au libertarianisme moderne. Ceux qui ont lu "Le samouraï virtuel" savent combien Neal Stephenson s'intéresse aux idées libertariennes. L'action du "Baroque Cycle" se situe avant celle d'un autre chef d'œuvre du même auteur : "Cryptonomicon". C'est également la première fois que A. E. Van Vogt (1912-2000) obtient le prix Prometheus. Son roman "Les armureries d'Isher" a été initialement publié en 1951. Il est devenu depuis un classique de la Science Fiction. Le récit montre comment l'usage de la légitime défense peut permettre de résister à un pouvoir tyrannique. "Être armé, c'est être libre" proclament les marchands d'armes... Les éditions J'ai lu ont eût l'excellente idée de rééditer ce roman en un seul volume avec sa suite "Les fabricants d'armes" sous le titre "Les marchands d'armes". Décerné depuis 1979, le prix Prometheus récompense les meilleurs textes de Science Fiction et de Fantasy dont les sujets sont la liberté, la défense des Droits de l’Homme (incluant les libertés individuelles ET économiques), la lutte éternelle des individus contre la coercition d’origine gouvernementale ou la critique des abus du pouvoir, en particulier du pouvoir étatique. Sylvain P.S. : NOUVEAU : l'encyclopédie en ligne Wikiberal a désormais sa page consacrée aux prix Prometheus. Cela se passe ICI.
25.6.05
************************* Edition française : le retour de Robert Heinlein.S'il n'a jamais complètement disparu du paysage éditorial français, il faut bien reconnaître que les oeuvres de Robert Heinlein en français commençaient à se raréfier. C'est donc avec beaucoup de plaisir que j'ai découvert les rééditions récentes de certains des textes les plus intéressants de cet auteur. Les éditions Folio SF ont ainsi proposé au mois d'avril dernier une nouvelle édition de la monumentale "Histoire du futur" de Robert Heinlein en quatre volumes, et annoncent pour bientôt une nouvelle édition de "Marionnettes humaines". Voici le sommaire des quatre volumes de l'"Histoire du futur" publiée sous la direction éclairée de Pierre-Paul Durastanti : 1. L'HOMME QUI VENDIT LA LUNE - Préface, de Damon Knight [1967, première parution française] - Ligne de vie - Les routes doivent rouler - Il arrive que ça saute - L'homme qui vendit la Lune - Dalila et l'homme de l'espace
2. LES VERTES COLLINES DE LA TERRE - Jockey de l'espace - Requiem - La longue veille - Asseyez-vous, messieurs! - Les puits noirs de la Lune - C'est bon d'être de retour - Nous promenons aussi les chiens - Coup de projecteur [première parution française] - Vertige spatial - Les vertes collines de la Terre - La logique de l'empire
3. REVOLTE EN 2100 - Oiseau de passage [première parution dans le cycle] - "Si ça continue..." [ex-"Si ça arrivait"] - La Réserve - L'inadapté
4. LES ENFANTS DE MATHUSALEM, suivi de LES ORPHELINS DU CIELDe leur côté, les éditions "Terre de brume" proposent depuis le mois de mai une traduction revue et corrigée du meilleur roman d'Heinlein : "Révolte sur la Lune". Je compte profiter des vacances d'été pour lire cette nouvelle version... Après la réédition du cycle des "Seigneurs de l'Instrumentalité" de Cordwainer Smith l'année dernière déjà chez Folio SF et la réédition récente de la "Patrouille du temps" de Poul Anderson aux éditions du Bélial, l'édition française (re-)propose des textes fondateurs de ce qui est pour moi la "vraie" Science Fiction : une SF imaginative, aventureuse et optimiste qui ne craint pas de défendre l'individu face à tous les totalitarismes qui le menacent. Sylvain P.S. : les amateurs ne doivent pas rater non plus la nouvelle édition de "L'anneau-monde", le roman le plus célèbre du "fils spirituel" de Robert Heinlein, j'ai nommé Larry Niven. Cette nouvelle édition est proposée par les éditions Mnémos et j'espère que cette parution sera suivi par les trois suites de "L'anneau-monde" dont deux sont toujours inédites en français. P.P.S. : en ce mois de septembre 2005, le roman "Marionnettes humaines" de Robert Heinlein a donc bien été réédité chez "Folio SF" sous le numéro 223. Malheureusement, il ne sagit pas d'une édition revue et augmentée comme cela avait été annoncé mais d'une simple reprise de la version "Présence du Futur" éditée depuis 1972. Dommage !
1.5.05
************************* Actualité presse :J'avoue que je suis assez fier que ce blog (oui oui, celui que vous êtes en train de lire !) soit mentionné dans le HS qui vient de sortir du magazine SVM consacré aux blogs. C'est à la rubrique "Sélection Fanzines" et ça se passe page 77. Ce magazine donne les références de deux cents blogs jugés intéressants par la rédaction et j'ai l'impression qu'"Urgesat ! SF" est malheureusement le seul blog libertarien qui ait été retenu... RECTIFICATIF : j'ai fini ma lecture de ce SVM et il faut noter que l'excellent blog libéral "Objectif Liberté" est présenté page 95 du même magazine. Bravo Vincent ! Sylvain
24.4.05
************************* Bons mots : Dan Simmons et...On ne présente pas l'écrivain américain Dan Simmons, l'auteur entre autre du monumental cycle d'"Hypérion". Comme je n'aime ni le nationalisme, ni le patriotisme, il ne me gêne pas de vous faire partager la citation suivante : «Alors que j’écris ces lignes, en ces premiers mois, ces premières heures du XXIe siècle, la vaste et rancunière machine de la critique universitaire est pilotée par les mains mortes de quelques nabots français tels que Michel Foucault et Jacques Derrida. La France, une nation qui, selon toute probabilité, n’a produit ni grand écrivain ni grande littérature durant la totalité du XXe siècle contrôle néanmoins la totalité du discours sur la littérature du XXIe siècle, et ce grâce au sophisme tout simple qui consiste à nier le caractère central de l’auteur, la réalité des personnages et la puissance transcendante du langage et de la littérature elle-même. Comme l’écrit Tom Wolfe dans un récent essai : «Ils (Foucault, Derrida et leur légion lycanthropique de suiveurs) ont commencé par gonfler hors de toute proportion une déclaration de Nietzsche selon laquelle il n’est pas de vérité absolue, mais seulement plusieurs «vérités», qui sont autant d’outils de divers groupes, classes ou forces. À partir de là, les déconstructionnistes ont abouti à la doctrine selon laquelle le langage est le plus insidieux des outils. Le devoir du philosophe est de déconstruire le langage, d'exposer ses arrière-pensées et de contribuer à sauver les victimes de l’«establishment» américain : les femmes, les pauvres, les non-Blancs, les homosexuels et les arbres.»"Worlds Enough & Time" (Subterranean Press, 2002). Si l'on met de côté l'aspect provocateur du texte (il y a peut-être eu quand même un ou deux grands écrivains en France au XXe siècle... non ?), il faut bien reconnaître que Dan Simmons tape juste et que sa dénonciation du "déconstructionnisme" rejoint tout le mal qu'on peut dire du "politiquement correct". Sur des sujets proches, on lira avec profit "Impostures intellectuelles" d'Alan Sokal et Jean Bricmont (éditions Odile Jacob, 1997) ainsi que son apostille "Prodiges et vertiges de l'analogie" de Jacques Bouveresse (éditions "Raisons d'agir", 1999). Sylvain
15.4.05
************************* Georges Panchard : « Forteresse ». Editions Robert Laffont, collection « Ailleurs et Demain » (2005). Ce livre est un événement. Il y avait tout juste vingt ans que la collection « Ailleurs et Demain » n’avait pas édité d’oeuvre d’un auteur français ou francophone. Le manuscrit de « Forteresse » a d’abord été retenu par la maison d’édition « Imaginaire sans frontière » qui a fait faillite entre temps. Ce n’est qu’ensuite que les éditions Laffont ont décidé de l’éditer. Georges Panchard est suisse. Dans la vraie vie, il est juriste à l’Office fédéral de l’aviation civile à Fribourg en Suisse. Peu connu comme auteur de Science Fiction il n’a publié que quelques nouvelles avant « Forteresse », son premier roman. L’histoire se passe en 2039. Adrian Clayborne dirige le service de sécurité de la « Haviland Corporation », une multinationale « high tech ». Un jour, il apprend que Brian Mannering, son président, est sous la menace d’un attentat, opération dont les commanditaires lui sont inconnus mais dont le nom de code est « Ghost », « Fantôme ». Clayborne apprend bientôt qu’un système électronique rendant indétectable celui qui le porte a été volé dans un laboratoire de recherche suédois et en même temps, le président Mannering se trouve une nouvelle maîtresse... La trame de l’histoire est donc l’enquête que mènent Clayborne et ses employés pour empêcher l’attentat d’avoir lieu et de réussir. Parallèlement, une série de flash-back nous raconte les derniers mois de la vie de Lyndon Mitchell, un peintre spécialisé dans les sujets religieux vivant à Oklahoma City. Ce n’est qu’à la fin du livre que le rapport avec la Haviland Corp apparaîtra. La forme du récit est « éclatée ». Les différentes « lignes narratives » s’entremêlent sous forme de chapitres de moins de dix pages datés et numérotés. Cela est très bien pensé et réalisé par l’auteur et la lecture se fait aisément dans une ambiance plus « thriller » que Science Fiction « classique ». Le monde du futur proche décrit par l’auteur et dont les détails apparaissent peu à peu à la lecture est également très intéressant. Dans une des périodes précédant le récit, l’Europe a été victime de la « Correction politique » (page 28). Il s’est agit d’une idéologie prônant l’ouverture des frontières à tout va, le relativisme culturel, l’abaissement des valeurs « occidentales ». Impossible de ne pas reconnaître dans cette « Correction culturelle » le « politiquement correct », au sens propre, de gauche qui domine aujourd’hui les médias et des secteurs importants des sociétés européennes comme le monde de l’enseignement. Cette période a débouché en Europe sur une guerre civile contre les populations musulmanes d’origine immigrée. Cette guerre civile a été gagnée par les « Occidentaux chrétiens » et les musulmans d’Europe ont été exterminés ou chassés, on ne sait pas trop. Georges Panchard va très loin dans cette direction puisque une place milanaise porte le nom d’Oriana Fallaci (page 230), femme écrivain italienne venue de la gauche et dont des pamphlets racistes ont été récemment publiés (« La rage et l’orgueil » par exemple chez Plon en 2002). Depuis la fin de la guerre civile, l’Europe s’est dotée d’une barrière infranchissable qui empêche les habitants des pays musulmans de passer, le système Durandal (page 120, "Durandal" du nom de l'épée du héros dans la "Chanson de Roland"). L'auteur se moque au passage d'une communauté social-démocrate établie en Suède qui tente de faire vivre l'héritage d'Olaf Palme : par exemple, les jouets sont contrôlés et si des enfants sont en contact avec des petits soldats, on les envoie immédiatement faire une psychothérapie... Pendant les périodes de troubles de la Correction et de la guerre civile, les Etats européens se sont affaiblis et les entreprises privées sont devenues quasiment autonomes. A l’époque où le roman se passe, la stabilisation politique permet un réveil étatique que l’auteur semble approuver (page 84). De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis ont connus une révolution religieuse qui a provoqué l’éclatement du pays. D’un côté une théocratie, l’Union des Etats bibliques américains ; de l’autre la Californie et l’Etat de New-York qui ont refusé le nouveau régime et sont devenus indépendants. Une particularité des Etats bibliques est que les neuf dixièmes des habitants sont obèses et utilisent des youpalas pour se déplacer. La population semble cependant commencer à se lasser de cette dictature religieuse (sur le même thème, on pourra lire avec profit « Révolte en 2100 » de Robert Heinlein)... Lorsque les religieux ont pris le pouvoir aux Etats-Unis, les dirigeants de la Haviland Corporation ont décidé de refuser de collaborer et l’ensemble de l’entreprise a quitté le territoire américain et son siège a été fixé en Andalousie. C’est ainsi que les dirigeants des Etats bibliques sont devenus des ennemis acharnés de la Haviland Corp dont deux des présidents ont déjà été assassinés. En matière de religions, Georges Panchard n’oublie personne puisque les Juifs eux-mêmes sont divisés en deux fractions qui se combattent (sauf sur le territoire israélien !) par attentats interposés (page 43 par exemple). Tout cela est très bien fait et la lecture de ce roman est très prenante. Georges Panchard sait ajouter les petits détails qui font vrais et ce qu’il faut de réalité virtuelle et de manipulations génétiques pour rendre crédible un récit du futur proche. Même si l’explication finale est en fait invraisemblable, on marche et j’ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman. D’un point de vue idéologique, « Forteresse » a fait grincer quelques dents et certains commentateurs ont été « un peu » gênés par ce qu’ils ont lu dans ce roman (voir plus bas, les « liens »). En fait, Georges Panchard exprime une vision conservatrice du monde. En utilisant les conceptions exprimées par Friedrich Hayek dans son célèbre texte « Pourquoi je ne suis pas un conservateur », on peut le démontrer. Reprenons quelques élément de l’arrière-plan social et politique de « Forteresse ». Tout d’abord, l’immigration musulmane est décrite dans ce roman comme une invasion qui menace l’Occident et le christianisme et seule la violence apparemment permettra de résoudre ce problème. Pour un libéral, à la limite l’Islam n’existe pas. Seuls existent des millions de personnes dont certaines se disent musulmanes et ce que l’une de ces personnes fait (ou ne fait pas) ne peut servir à condamner ou à opprimer d’autres personnes qui partageraient certaines croyances religieuses avec elle. On ne peut concilier responsabilité individuelle et responsabilité collective, liberté de conscience et stigmatisation de certaines personnes en raison de leur origine ou de leurs croyances religieuses, il faut choisir. Par ailleurs, Georges Panchard aime l’Etat. Il croit que son affaiblissement conduit au chaos et que les entreprises privées ont besoin d’être encadrées et surveillées sinon, elles se font la guerre et oppriment la population. Il imagine qu’après la guerre civile, les politiciens seront différents de ceux l’ayant précédée mais il se garde bien de nous les montrer en action dans son roman... Je vois dans cette méfiance à l’égard des entreprises privées (donc en fait à l’égard de la liberté économique) et dans ce culte de l’Etat la contamination inéluctable d’une pensée conservatrice par des idées socialistes : l’individu doit s’effacer derrière le groupe et peut lui être sacrifié si les dirigeants éclairés (sic !) le commandent. Alors que le problème pour les libéraux est l’organisation de la limitation du pouvoir qui par définition est oppresseur, les conservateurs comme les socialistes se préoccupent surtout du contrôle de ce pouvoir pour leur propre compte, pouvoir qu’ils utilisent pour imposer par la force leurs idées. Comme la pensée conservatrice est forcément sans principes fermes et finalement sans morale, elle ne sait pas où elle va au contraire de la pensée libérale qui s’appuie sur des valeurs et des principes solides. Un détail intéressant : les armes sont en vente libre dans l’Europe future de « Forteresse ». Faut-il y voir un reflet du fait que l’auteur est suisse et donc moins méfiant à l’idée d’une défense personnelle que les Français (comme disait A.E. Van Vogt dans « Les armureries d’Isher » : « Etre armé, c’est être libre »...) ? Quoi qu’il en soit, ne boudons pas notre plaisir. « Forteresse » est très bien construit et écrit, il se lit sur le moment avec beaucoup de plaisir. Et puis les romans de Science Fiction conservateurs ne sont pas si nombreux... Sylvain Liens : - Une présentation de ce roman par Gilles Ferragu ICI. - Une autre critique parue dans le quotidien suisse « Le Temps » par Nicolas Dufour ICI. - Enfin, une critique signée K2R2 mise en ligne sur le site du « Cafard cosmique » ICI. L’auteur réussit l’exploit de reconnaître les qualités de « Forteresse » et de dire son malaise devant l’idéologie qui transparaît dans ce roman (même si cela finalement « n’a que peu d ’importance » dit-il) sans mentionner justement les détails qui fâchent et sans dire un mot de la guerre civile entre « chrétiens » et musulmans sur laquelle Georges Panchard revient quand même plusieurs fois. La critique du quotidien Libération réussissait le même exploit de passer sous silence ce « détail » important du livre. Extrait :"Comme ce parlementaire de Crémone, Italien pur sucre et chrétien pratiquant, auteur d'un projet de loi selon lequel tout immigré commettant un crime sur le territoire national devait bénéficier d'une peine réduite du seul fait de son déracinement culturel. Vachement humaniste. Six semaines après la fin du conflit, des combattants occidentaux l'avaient égorgé près de chez lui. Gianna, comme à peu près tous les flics de la péninsule, savait que ses collègues chargés de l'enquête avaient trouvé assez de preuves pour identifier les coupables et les avaient consciencieusement détruites.""Forteresse", page 83. Citation :"Le conservatisme peut, par sa résistance aux tendances prédominantes, ralentir une dérive indésirable, mais il ne peut empêcher que la dérive persiste, puisqu'il n'indique aucun autre chemin. C'est pour cela que son destin a été d'être entraîné invariablement sur une route qu'il n'avait pas choisie. La lutte entre conservateurs et progressistes peut affecter la vitesse, mais non la direction des évolutions contemporaines. Et même s'il faut bien un « frein sur le véhicule du progrès », je ne puis pour ce qui me concerne me contenter d'actionner le frein. Ce que le libéral doit se demander essentiellement, ce n'est pas à quelle vitesse et jusqu'où nous devons aller, mais où nous voulons aller. Il diffère en fait du « radical » collectivisant d'aujourd'hui bien davantage que le conservateur. Alors que ce dernier adhère généralement à une version adoucie et modérée des idées à la mode de son temps, le libéral doit lutter contre certaines des conceptions fondamentales que la plupart des conservateurs partagent avec les socialistes." Friedrich Hayek, « Pourquoi je ne suis pas un conservateur ».
15.2.05
************************* Laurent Genefort : « Le monde d’Omale »1 : « Omale », J’ai lu « Millénaires » (2001), réédité chez J’ai lu Science Fiction n°6858 (2004) ; 2 : « Les conquérants d’Omale », J’ai lu « Millénaires » (2002), réédité chez J’ai lu Science Fiction n°7515 (2005) ; 3 : « La muraille sainte d’Omale », J’ai lu « Millénaires » (2004), réédité chez J'ai lu Science Fiction (2006). Il est rarissime que je présente sur ce blog des romans écrits par des auteurs français. Je le déplore mais il semble bien que les écrivains de notre pays ne s’intéressent pas à la question de la liberté et qu’imaginer une véritable société d’hommes libres ne les intéresse pas. Dire que la liberté, c’est d’abord le respect de la propriété privée paraît pour le moins bizarre en France où il est difficile d’échapper au collectivisme ambiant. Les seuls écrits politiques que l’on trouve sous la plume d’écrivains français révèlent trop souvent un point-de-vue plus ou moins gauchiste et donc liberticide. Les romans du « monde d’Omale » de Laurent Genefort ne posent pas spécialement le problème de la liberté mais j’avais quand même envie d’en parler ici... Bien que né en 1968, Laurent Genefort a déjà publié une quarantaine de romans qu’on peut en gros classer en trois groupes : les premiers romans publiés aux éditions du Fleuve Noir en format poche et plutôt courts (« Arago » ou « La compagnie des fous » par exemples) ; des romans pour jeunes lecteurs publiés depuis quelques années aux éditions Degliame et qui relèvent plutôt de l’heroic-fantasy (« Le démon miroir » ou « L’odyssée des sirènes ») et les romans de Science Fiction publiés chez J’ai lu ou chez l’Atalante (« La mécanique du talion ») qui sont de véritables réussites « sciencefictives ». Les trois romans du cycle d’Omale se situent dans le même univers mais ne se suivent pas. Ils peuvent tout à fait être lus indépendamment les uns des autres même si certains éléments se répondent d’un titre à l’autre. Omale est une sphère en rotation construite autour de l’étoile Héliale. Ce mouvement de rotation crée une gravité artificielle sur la surface interne de la sphère. Deux planètes tournent également autour d’Héliale à une distance plus proche qu’Omale. Cette dernière est constituée d’un matériau ultra-lourd, le carb. Omale entoure l’étoile comme la coquille d’un oeuf et forme ce qu’on appelle une « sphère de Dyson » du nom du physicien Freeman Dyson qui dans les années soixante a le premier imaginé une telle réalisation. Un objet de ce type a déjà été brillamment utilisé par Larry Niven dans le cycle de « l’Anneau-Monde » où la sphère est remplacée par une sorte de gigantesque ruban en rotation autour de son étoile... Dans l’oeuvre de Laurent Genefort, les constructeurs d'Omale sont sans doute les Vangks, un peuple extraterrestre mythique à qui l’humanité doit l’existence des « Portes » qui permettent de passer instantanément d’une étoile à l’autre. Au cours des siècles, les hommes ont découvert et utilisé vingt mille de ces Portes. Il y a mille cinq cents ans, des vaisseaux qui utilisaient ces Portes spatiales ont été mystérieusement détournés et se sont retrouvés à l’intérieur d’Omale. Ils se sont posés dans une zone rendue habitable pour les humains et par la suite leurs passagers ont fait souche. Deux peuples extraterrestres sont arrivés en même temps que les humains : les Chiles et les Hodgqins. La surface habitable où se trouvent ces trois espèces (sur Omale, on dit ces trois rehs...) s’appelle une « Grand’Aire » et couvre une surface d’environ dix mille « gaias », soit dix mille fois la surface totale de la Terre. La surface totale d’Omale étant d’environ dix millions de gaias, la zone connue et habitée par les trois rehs malgré son immensité n’en représente qu’une toute petite partie. Après plus de mille ans d’expansion et de guerres entre les rehs, les humains occupent une surface de 200 gaias, les Chiles occupent 250 gaias et les Hodgqins se contentent de 50. Une fois arrivés sur Omale, les hommes ont dû s’adapter à leur nouvelle situation. Les vaisseaux spatiaux ont été bientôt démantelés car la surface d’Omale contient peu de métal. Dans les décennies qui ont suivi, les religions ont connu une grande expansion qui a plongé pendant plusieurs siècles l’humanité dans une sorte de Moyen Age. Beaucoup de connaissances ont été oubliées pendant cette période en particulier l’existence d’un univers extérieur à Omale. Les religions ont adapté leur message et les Chiles et les Hodgqins sont souvent assimilés à des créatures démoniaques. 1 : « Omale ». Il s'agit du premier roman publié de la série. L’action se passe plus de mille cinq cents ans après l’arrivée des humains sur Omale. C’est une époque où les trois rehs vivent à peu près en paix et l’histoire est basée sur la rencontre entre six personnes, trois humains, deux Chiles et un Hodgqin qui ont tous mystérieusement reçu un fragment de la coquille d’un oeuf. Une fois la coquille reconstituée, une sorte de message apparaît qui doit guider les personnages... De nombreuses péripéties dont une attaque par des pirates de l’air compliquent cette rencontre qui a lieu à bord du « Yyalter », une nef aérienne chile.Roman intéressant même si ce n’est pas le meilleur de la série, « Omale » pose les bases d’un univers gigantesque. Les personnages sont bien construits, les informations nombreuses et l’action prenante. Laurent Genefort rend un hommage discret à Jack Vance avec la présence d’un homme-Chile, un elerak (on pense irrésistiblement au cycle de Tschaï et à ses hommes-Wankhs et à ses hommes-Dirdirs). Moteur de l’intrigue, les personnages jouent au fejij, une sorte de super jeu de rôle qui est à la fois la religion et la philosophie des Chiles. Les perdants doivent raconter d’où ils viennent et comment ils sont arrivés sur le Yyalter. Il est dommage que la crédibilité du récit soit un peu mise à mal par l’usage de coïncidences « trop belles pour être vraies » et par des accès de politiquement correct comme pages 44 et 45 (version « Millénaires ») où un éducateur nous explique que le racisme n’est que culturel et surtout pas inné. Il faudrait quand même prendre conscience que par définition, le culturel chez l’être humain est également naturel ou inné et que la question de l’origine du racisme est sans doute plus complexe que ce qui est dit dans ce roman. Mais ce sont des points relativement mineurs qui n’enlèvent rien à la force d’évocation d’« Omale ». 2 : « Les conquérants d’Omale ». L’histoire se passe cinq cents ans avant « Omale ». Des guerres incessantes opposent les trois rehs et après avoir beaucoup perdu de terrain face aux Chiles, les humains ont réussi à les arrêter. La trame principale de ce roman est un épisode clef de la guerre opposant Chiles et humains, épisode qui sauve probablement l’humanité de l’éradication. Si les Chiles dominent les airs grâce à leurs immenses nefs, les humains utilisent un réseau très développé de chemins de fer qui joue un rôle crucial dans cette aventure. Parallèlement, une mystérieuse glaciation frappe une partie des territoires humains et nous suivons aussi le destin d’une expédition humaine chargée de cartographier un immense territoire et qui va devoir trouver la cause de cette glaciation...Laurent Genefort rend de nouveau hommage à d’autres écrivains de Science Fiction comme page 70 de la version « Millénaires » où un des personnages demande à un autre s’il croit qu’il a été choisi par le Haut Commandement humain pour sa chance supposée, ce qui est encore une référence directe à l’un des personnages de « L’Anneau-Monde » de Larry Niven. Mais le plus important est la référence à G.-J. Arnaud et à son cycle monumental de la « Compagnie des glaces » qui concilie glaciation et compagnies de chemin de fer. Excellent roman, « Les conquérants... » permet de mieux connaître une quatrième rehs, les AEzirs qui vivent dans l’espace entre Omale et Héliale. Ces êtres font du commerce avec les rehs d’Omale en leur fournissant des minéraux extraits des planètes intérieures. La guerre décrite dans ce roman fait penser à ce que nous savons de la Première guerre mondiale, avec ses tranchées, ses gaz de combat et son nombre énorme de combattants. Les différentes lignes du récit finissent par s’emboîter sans heurt à la fin du roman. 3 : « La muraille sainte d’Omale ». Cinquante ans après « Omale », une expédition scientifique regroupant des savants des trois rehs part pour explorer le Landor, ce territoire humain qui se trouve à l’intérieur de la muraille sainte d’Omale. Cette muraille mesure plus de 70 000 kilomètres de long et a été bâtie dans les premiers siècles de l’occupation humaine par des peuples qui refusaient tout contact avec les Chiles et les Hodgqins. Il s’est passé quelque chose à l’intérieur du Landor car ses habitants, persuadés que la fin du monde était proche ont soudainement quitté cette zone et ont envahi les territoires humains jusqu’aux zones de contact avec les autres rehs, mettant en péril la fragile paix régnant avec eux. Les scientifiques dirigés par un physicien chile sont victimes de la destruction accidentelle de la nef qui devait les emporter jusqu’au coeur du Landor et c’est à pied et avec des chariots qu’une expédition réduite découvrira ce qui s’est réellement passé...Très bon roman, ce récit arrive à concilier aventure, exotisme et hard science. La description du Landor est remarquable et les éléments d’explication scientifique excellemment intégrés à la trame du récit. C’est peut-être aussi le roman qui fait le mieux sentir au lecteur l’immensité d’Omale, immensité géographique comme immenses espaces de temps qui se sont écoulés depuis l’arrivée des humains sur Omale. Pour conclure sur ce cycle d’Omale qui est sans doute loin d’être terminé, je voudrais dire que Laurent Genefort est un grand auteur français de Science Fiction. Il connaît bien cette littérature, il a beaucoup lu et a su mettre en place un univers très personnel et passionnant. Il excelle aussi à intégrer dans son récit des éléments ou des détails qui font vrais et qui rendent crédible l’histoire. Il intègre aussi des éléments presque fantastiques, je pense par exemple aux Vestiges ou aux Merveilles d’Omale qui donnent une ampleur exceptionnelle à cet univers. Après trois romans et donc près de 1400 pages, on a envie d’en savoir encore plus sur ce monde unique. Le potentiel romanesque de cet univers est considérable, en particulier par la mise en présence de trois espèces pensantes bien différentes les unes des autres. Personnellement, j’aimerais que Laurent Genefort nous fasse découvrir dans un de ses prochains textes la civilisation hodgqine, tellement autre et qui n’a tenu jusqu’à présent qu’une place relativement réduite dans le cycle... Sylvain P.S. : Laurent Genefort a également publié deux nouvelles relevant du monde d’Omale. Il s’agit de « Un roseau contre le vent » (in Galaxies n°19, décembre 2000) et de « Arbitrage » (in Galaxies n°26, septembre 2002). Liens :- Omale, le site ; - Une interview de Laurent Genefort ; - Pour en savoir plus sur Freeman Dyson ; - La thèse de Laurent Genefort consacrée à cinq "livres-univers" de Science Fiction. Une réponse de Laurent Genefort :(merci à lui !) « Je suis ravi que le cycle vous ait plu. Concernant le passage sur le racisme dans le 1er volume, vous avez sans doute remarqué qu'il s'agit tout d'abord d'un clin d'oeil à l'un de mes auteurs favoris, P.J. Farmer, incarné dans le personnage du prêtre Farmier, qui a traité de ce thème dans certaines de ses nouvelles ; et une référence à des expériences d'observation du comportement enfantin, menées simultanément dans des crèches aux Pays-Bas et aux Etats-Unis dans les années 1970-80 (...ainsi qu'une discussion avec une puéricultrice il y a quelques années, qui m'a conforté dans les conclusions de l'expérience). Mais je suis tout à fait d'accord avec vous que les mécanismes du racisme sont plus complexes. A relire ce passage d'Omale, je le trouve d'une lourdeur démonstrative ; je le réécrirais sans doute différemment aujourd'hui, plus légèrement, mais je n'en changerais pas le sens.(...) (à propos d’un recueil de nouvelles consacrées à Omale qui ne paraîtra pas :) L'éditeur, ISF, a fermé boutique entre-temps. Mais une nouvelle d'Omale paraîtra courant 2005 dans la revue Galaxies. En revanche, le sort des romans est compromis: la disparition de la collection Millénaires le mois dernier et les faibles ventes des deux premiers volumes d'Omale risquent de sonner le glas de la série - au moins pour les années à venir. La série renaîtra peut-être ailleurs... Bref, wait and see! (...) Cordialement, Laurent »Eh non ! je n’avais pas noté la référence à Philip José Farmer. Dans l’immensité d’Omale, il doit bien y avoir d’autres clins d’oeil qui m’ont échappé... Je suis d’accord avec Laurent Genefort pour dire que les enfants, lorsqu’ils sont très jeunes, ne sont pas spontanément racistes. Mais je pense aussi que les comportements de préférence pour les proches sont naturels chez l’être humain (1). Après tout l’homme a vécu pendant des centaines de milliers d’années dans des communautés de taille réduite dont les membres étaient certainement tous plus ou moins apparentés. Nous ne sommes pas différents de nos ancêtres de l’Age de pierre. Ce sentiment naturel peut très bien déboucher sur une idéologie proprement raciste si l’Etat et ses serviteurs y trouvent leur intérêt. Pour revenir à la Science Fiction, il n’ira sans doute pas de soi pour tout le monde de considérer comme étant nos égaux des extraterrestres intelligents - si nous en rencontrons un jour - ou des machines intelligentes. Sinon, il est clair que l’édition française de Science Fiction ne se porte pas très bien. Cela dure depuis vingt ans et il n’y a pas de signe de changement à court terme. La Science Fiction littéraire reste essentiellement une petite niche s’adressant à des passionnés. Je regretterai la disparition de la collection « Millénaires » de chez J’ai lu. La maquette était très réussie, les livres agréables à manipuler, les textes proposés souvent très intéressants et les prix raisonnables. Sylvain (1) : Voir par exemple « Comment fonctionne l’esprit » de Steven Pinker (éditions Odile Jacob, 2000) en particulier le chapitre 7 : « Les valeurs familiales ».
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