*************************
Jacques Sadoul : « C'est dans la poche ! Mémoires »Sous-titre : « Confidences d'éditeur ».
Éditions Bragelonne (2006).
Né en 1934 à Agen, Jacques Sadoul « monte à Paris » en 1956 avant de rentrer dans le monde de l’édition en 1964. Il travaille d’abord chez Opta et on lui doit la création du « Club du livre d’anticipation » en 1966 ainsi que celle de la collection « Galaxie-bis » en 1967. En 1970 il crée la célèbre collection « Science Fiction » des éditions J’ai lu et en 1982 il prend en charge l’ensemble de cette maison d’édition. Il en conservera la direction jusqu’à son départ à la retraite en 1999.
Il est également à l’origine du prix « Apollo » qui récompense chaque année le meilleur roman de SF paru en France, prix qui sera décerné de 1972 à 1990. Il s’est intéressé à l’alchimie et à la bande dessinée aussi bien qu’au jazz et à la littérature policière.
Il est l’auteur d’un excellent cycle de Fantasy, le Cycle du domaine de R et d’une série de romans policiers. Il est également historien de la SF et son « Histoire de la science-fiction moderne » est irremplaçable et a connu plusieurs éditions.
Cette liste n’est pas limitative mais elle permet de comprendre pourquoi les mémoires publiées aujourd’hui par Jacques Sadoul sont fort intéressantes pour l’amateur de SF bien sûr mais aussi pour tous les curieux que la vie de l’édition française intéresse.
Jacques Sadoul organise ses mémoires en courts chapitres qui correspondent chacun à une année importante pour lui. Chacun d’entre eux s’ouvre sur quelques évènements marquants qui se sont produits cette année là et le choix de ce que l’auteur raconte ensuite est très large. Beaucoup de rencontres avec des écrivains, notamment de Science Fiction bien sûr mais on lit aussi le récit de la rencontre de Jacques Sadoul avec Barbara Cartland en 1977. Pas mal de récits de péripéties internes aux éditions J’ai lu avec la création régulière de nouvelles sous-collections et la disparition d'autres séries ne trouvant plus les faveurs du public.
Politiquement, Jacques Sadoul est très critique vis à vis du communisme et des régimes qui ont tenté de le réaliser mais il a eu peur quand l'Allemagne s'est réunifiée en 1989 (page 144). Il admire toujours François Mitterrand (page 192) et pense que le film « Le fabuleux destin d'Amélie Poulain » est « profondément de gauche » (sic, page 191). J'avoue ne pas trop bien comprendre en quoi ce film est « profondément de gauche » . Peut-être les belles histoires d'amour avec quelques subtilités scénaristiques sont-elles pour lui forcément de gauche ?
La grande peur de Jacques Sadoul en fait est plutôt liée au prétendu changement climatique qui nous menacerait accompagné de son cortège de pollution et de soi-disant dangers pour l'environnement (voir les pages 32 et 33 par exemple). Dommage que Jacques Sadoul n'ait pas lu
« L'écologiste sceptique » de Bjørn Lomborg !
Pour revenir à l'édition, la collection SF des éditions J’ai lu a marqué une génération d’amateurs de SF. Je me souviens qu’après avoir dévoré les livres publiés par le Fleuve Noir Anticipation à partir du début des années 70 - j’avais alors une dizaine d’années - c’est vers J’ai lu que je me suis tourné quelques années plus tard quand j’ai commencé à être plus exigeant dans le choix de mes lectures. Je suivais soigneusement le programme des parutions dans le catalogue que J’ai lu éditait deux fois par an et c’est ainsi que j’ai découvert les premiers volumes de la série d’anthologies réunies par Jacques Sadoul « les meilleurs récits de... » (en 1974), la revue « Univers (en 1975) ou le cycle de Tschaï de Jack Vance (en 1976). Que de souvenirs ! J’ai lu avait l’immense mérite de publier des livres qui ne me décevaient que très rarement et de proposer beaucoup de livres inédits à des prix abordables pour le collégien, et plus tard le lycéen, que j’étais alors. Pour tout cela, merci M. Sadoul !
Je recommande donc la lecture de ces mémoires à tous les curieux que l'édition populaire intéresse et je ne peux que regretter la brièveté de ce livre. J'aurais aimé savoir par exemple ce que pense l'auteur de la loi Lang sur le prix unique du livre ou ce qu'il advient réellement des livres invendus chez J'ai lu...
Jacques Sadoul aurait facilement pu doubler la taille de ce livre, l'intérêt n'en aurait été que plus grand.
Sylvain
P.S. : et puis quelqu’un qui qualifie Jean-Paul Sartre d‘« intellectuel réactionnaire » (page 140) ne peut pas être complètement mauvais !
A lire : une interview de Jacques Sadoul par Bruno Peeters in "Phénix Mag" n°10 (août 2006), fanzine disponible
ICI.
La première édition de la célèbre « Histoire de la science-fiction moderne » de Jacques Sadoul parue chez Albin Michel en 1973 :
*************************
Et de 7 pour Robert Heinlein !Les éditions « Terre de brume » viennent de rééditer dans leur collection « Poussière d'étoiles » le premier roman de Robert Heinlein : « Sixième colonne » dont la première parution dans sa langue d'origine remonte à 1941.
Dans ce roman, les États-Unis vaincus sont occupés par une puissance hostile d’origine asiatique dont les caractéristiques rappellent la Chine et le Japon impérial de l’époque. Un petit groupe de résistants va utiliser une découverte extraordinaire que des scientifiques américains viennent de faire et pour préparer la révolte, ces résistants vont fonder un nouveau culte religieux afin d’agir au nez et à la barbe des envahisseurs...
Ecrit en 1940 après la défaite de la France et son occupation par les troupes de l’Allemagne nazie, Robert Heinlein exprime dans ce roman sa conviction que les Américains ne pourront pas éviter la guerre et que le Japon sera un des adversaires des Etats-Unis. Il s’agit donc d’un roman d’avertissement dont certains aspects ont vieillis (la découverte extraordinaire est vraiment un peu trop extraordinaire...) mais dont la lecture reste très agréable. L’intrigue est bien construite et on a du mal à croire que Robert Heinlein n’avait commencé à publier des nouvelles de Science Fiction que deux ans plus tôt. Ce roman est également un document historique puisqu’il s’agit du premier roman de celui qui allait devenir l’écrivain sans doute le plus important de la Science Fiction américaine.
Après les quatre volumes de l’Histoire du futur édités l’année dernière chez Folio SF suivis de la nouvelle édition du roman « Révolte sur la Lune » chez Terre de brume, lui-même suivi par la réédition du roman « Marionnettes humaines » chez Folio SF, « Sixième colonne » est donc le septième volume signé Robert Heinlein paru en France en moins d’un an. Bravo et merci aux éditeurs pour cela.
Sylvain
La première édition française de « Sixième colonne » parue chez Hachette en 1951 :
*************************
5 août 1958 : Maurice Renault passe à la télé !Depuis quelques mois les éditions Atlas éditent sous forme de DVD les meilleurs épisodes de la série télé policière "Les 5 dernières minutes". Cette série a démarré en 1958 et mettait en scène l'inspecteur Bourrel interprété par Raymond Souplex et son adjoint l'inspecteur Dupuy joué par Jean Daurand.
Les vingt premiers épisodes de l'émission faisaient également intervenir à la fin de l'émission deux téléspectateurs qui après avoir suivi l'enquête des inspecteurs devaient essayer de trouver les coupables. Dans "Le théâtre du crime", le sixième épisode diffusé le 5 août 1958, l'un des deux téléspectateurs n'est autre que Maurice Renault, le fondateur des éditions Opta.
C'est en 1948 que Maurice Renault transforma son agence de publicité en maison d'édition et qu'il lança alors la revue "Mystère Magazine". Dans le domaine de la littérature policière, il créa notamment le "Club du livre policier" en 1958 et la revue "Hitchcock Magazine".
Dans le domaine de la Science Fiction et aidé par Jacques Bergier et Igor B. Maslowski, Maurice Renault créa en 1953 la revue "Fiction" qui devait connaître plus de 400 numéros et ne disparaître qu'en 1990. Par la suite et au fil des années, les éditions Opta publièrent de nombreux livres de SF, il suffit de citer la seconde version française de la revue "Galaxie" (lancée en 1964), le "Club du livre d'anticipation" (créé en 1965) ou la collection "Galaxie-bis" (qui démarra également en 1965).
Dans l'émission télé citée plus haut, Maurice Renault ne parle ni de SF ni de romans policiers mais donne seulement son point de vue sur l'enquête policière du jour. Raymond Souplex le présente néanmoins comme un spécialiste de la littérature policière...
Sylvain
Références : - "Le créateur de Fiction disparaît" par Jacques Sadoul in Univers n°8 (éditions J'ai lu n°732, 1977) ;
- "Les 5 dernières minutes" n°9 "Le théâtre du crime", fascicule + DVD, éditions Atlas (2005) ;
- "Meurtres en séries : les séries policières à la télévision française" par Jacques Baudou et Jean-Jacques Schleret, éditions "Huitième Art" (1990).