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Actualité : les prix Prometheus 2004.Les prix Prometheus 2004 ont été proclamés à la Convention mondiale de la Science Fiction le 3 septembre dernier à Boston aux Etats-Unis. Deux catégories : meilleur roman de l’année et « Hall of Fame » pour les textes plus anciens.
Les lauréats sont F. Paul Wilson pour son roman « Sims » dans la catégorie "Meilleur roman" et Vernor Vinge pour sa nouvelle « The Ungoverned » dans la catégorie « Hall of Fame ».
On connaît en France plusieurs thrillers fantastiques de F. Paul Wilson (« La forteresse noire » par exemple). Il avait déjà remporté le premier prix Prometheus pour son roman « Wheels Within Wheels » en 1979 et deux fois le même prix dans la catégorie « Hall of Fame » pour son roman « An Enemy of the State » en 1991 et pour « The Healer » en 1990.
Le roman lauréat de cette année raconte la lutte des « Sims » (des créatures créées artificiellement, intermédiaires entre les êtres humains et les chimpanzés) pour la liberté.
Vernor Vinge est bien connu des amateurs français de SF car plusieurs de ses romans ont été traduits. Il a déjà obtenu le prix Prometheus en 1987 pour
« La captive du temps perdu » et en 2000 pour « Au tréfonds du ciel » mais c’est la première fois qu’il entre dans le « Hall of Fame ».
L’action de la nouvelle « The Ungoverned » se place après son roman « The Peace War » (qui raconte l’établissement d’une société libertarienne aux Etats-Unis) mais avant « La captive du temps perdu ».
Le sujet de « The Ungoverned » est le conflit entre un pays dirigé par un gouvernement « classique » qui cherche à envahir un territoire libertarien dont les habitants armés sont bien décidés à se défendre, eux et leurs biens...
Cette nouvelle est disponible dans le recueil « The Collected Stories of Vernor Vinge ».
Le prix Prometheus récompense les meilleurs textes de Science Fiction et de Fantasy dont les sujets sont la liberté, la défense des Droits de l’Homme (incluant les libertés individuelles ET économiques), la lutte éternelle des personnes contre la coercition d’origine gouvernementale ou la critique des abus du pouvoir, en particulier du pouvoir étatique.
Sylvain
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Stanislas Lem : « Retour des étoiles ».
Editions Denoël, col. « Présence du futur » n°288 (1979 et 1994).
Titre original : « Powrót Z Gwiazd » (1961).
Traduit du polonais par Michel de Wieyska.
Stanislas Lem est né en 1921 à Lvov en Pologne. Après avoir fait des études de médecine, il commence à publier des romans de Science Fiction au début des années cinquante. Ses oeuvres ont été traduites dans le monde entier et il est l’auteur d’un classique de la SF adapté deux fois au cinéma : « Solaris ». Il vit aujourd’hui en Autriche.
Dans « Retour des étoiles », Stanislas Lem raconte la vie du cosmonaute Hal Bregg après son retour sur Terre à l’issue d’une expédition spatiale qui l’a emmené à vingt-trois années-lumière de notre planète. Pour lui et ses compagnons le voyage a duré dix ans mais sur Terre, cent vingt-sept années se sont écoulées. La société terrienne a bien sûr changé et l’auteur raconte la confrontation entre un homme qui nous ressemble beaucoup et une société futuriste très étrange.
La principale étrangeté de cette société est que tous les individus sont « bettrisés » alors qu’ils sont encore des enfants. La « bettrisation » est une intervention chimico-biologique sur le cerveau (pour des raisons bien compréhensibles l’auteur entre peu dans les détails) qui diminue de façon très importante l’agressivité naturelle de l’être humain. Les nouvelles générations sont « gentilles » et ne peuvent tout simplement pas « penser » le mal ni la violence. Mêmes les opérations chirurgicales sont difficiles à faire pour les êtres humains et ce sont donc des robots qui s’en chargent. Les hommes sont constamment sous contrôle et les normes sociales veulent qu’ils absorbent régulièrement des substances calmantes. A côté de ça, le développement intellectuel et émotionnel des hommes et des femmes semble normal.
Dans ce monde futur, la prospérité est générale et tout est gratuit car les robots et les machines assurent l’essentiel de la production, seul le « superflu » doit être acheté. Certains robots semblent avoir atteint un niveau de conscience et d’intelligence comparable aux êtres humains mais il s’agit d’une des zones d’ombre de cette société car les hommes ne semblent pas s’en être aperçus (chapitre 4)...
De la même façon, il existe des substances qui annihilent ou atténuent fortement l’effet de la bettrisation (chapitre 4 toujours). On se doute bien qu’il y a un marché noir pour ces substances interdites...
Stanislas Lem propose avec ce roman une utopie ambiguë car les conséquences de la bettrisation sont importantes. Peu de curiosité, l’exploration spatiale a été abandonnée, les couples durent peu de temps et avoir un enfant est soumis à autorisation. Pas de guerre, pas de violence, mais...
Lem ne défend pas les innovations sociales qu’il met en scène dans son roman. « Retour des étoiles » est en cela (mais pas seulement en cela) bien supérieur au roman d’A.E. Van Vogt
« Le colosse anarchique » qui présente lui aussi une « utopie technologique ».
En conclusion, voici un remarquable roman très innovant à son époque et qui se lit toujours avec beaucoup de plaisir et d’intérêt. Stanislas Lem a su élaborer une interrogation politique qui n’étouffe pas le récit (le premier chapitre qui raconte l’arrivée de Hall Bregg sur Terre est remarquable) et la fin ouverte aurait bien méritée une suite...
Sylvain
Référence :
- « Réflexions sur ma vie » par Stanislaw Lem in « Provocation », éd. du Seuil (1989).