*************************
Remarque : existe-t-il une Utopie Socialiste ?
Pierre Versins (1923-2001) a été pendant de nombreuses années LE spécialiste français de la Science Fiction. Il a publié en 1972 une « Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la Science Fiction » aux éditions l’Age d’Homme, un énorme volume de près de 1 000 pages qui visait à l’exhaustivité.
Il s’agit donc de la plus volumineuse étude jamais publiée en français sur le sujet qui nous intéresse ici.
Livre passionnant, touffu et même parfois un peu confus. En plus d’un anti-américanisme fanatique, Pierre Versins avait une sensibilité politique plutôt anarchiste qui transparaît dans ses écrits. Je trouve très intéressante la remarque ci-dessous tirée de l’article « Socialisme » de son encyclopédie.
« Avec la probité qui nous caractérise, nous avons cherché si, là-bas, tout au fond, il n’y aurait pas une utopie sociale, nous n’en demandions pas une grande, non, une minuscule eût suffi à nous combler, quelques pages dans un gros bouquin, et non non non, nous nous sommes épuisés.
Alors nous nous sommes dit, revenant sur nos pas, c’est permis : puisque d’une part, il n’y a pas d’utopie socialiste vraiment, puisque d’autre part la conjecture touche à tout, y compris ce qui n’existe pas, c’est que le socialisme existe moins encore que ce qui n’existe pas. Et nous avons fermé les yeux avec un gros soupir. »
(pages 817-818)
Le bilan est donc terrible : les tentatives d’élaborer (dans la fiction) une utopie social(iste) donnent systématiquement un résultat effrayant car totalitaire. L’utopie se transforme en anti-utopie. Etonnant, non ?
Il est dommage que Pierre Versins, prisonnier de ses oeillères politiques n’ait pas su identifier les utopies décrites dans « Révolte sur la Lune » de Robert Heinlein ou dans « La grande explosion » d’Eric Frank Russell. Il est vrai que ce ne sont pas des utopies sociales...
Sylvain
P.S. : définition de l’anarchisme, d’après le même livre :
« L’anarchie est à notre goût cette forme de pensée politique selon laquelle nous n’aurions pas besoin de gouvernement si tous les hommes étaient bons, honnêtes et intelligents. »
(page 42)
Etonnez-vous qu’avec des conceptions pareilles la révolution ne dégénère en goulag !