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Arkadi et Boris Strougatski : « La seconde invasion des Martiens »Edition originale russe parue en 1967.
Sous-titre (absent de la première traduction française) : « Les carnets d’un homme de bon sens ».
Editions françaises :
1 : Fleuve Noir, col. « Les best sellers de la science fiction soviétique » n°11 (1983), traduit par Juliette Martin ;
2 : L’esprit des péninsules (2002), traduit par Paul Lequesne.
Avec le Polonais Stanislas Lem, les frères Strougatski sont certainement les écrivains de Science Fiction originaires des pays ex-communistes les plus connus dans le monde.
Arkadi (1925-1991) était linguiste spécialiste du japonais et Boris (né en 1933) est astronome. A eux deux, ils sont les auteurs de certains des textes les plus intéressants de la SF russe.
Tout le monde a lu « La guerre des mondes » de Herbert George Wells (1) dont le réalisateur américain Byron Haskin a donné une version visuelle marquante même si le film qu’il a réalisé n’est pas toujours fidèle au roman.
Dans les années 60, alors que l’URSS connaissait une relative période de liberté d’expression, les frères Strougatski ont publié le court roman « La seconde invasion des Martiens » bien représentatif de leur veine satirique.
Après l’échec de leur première tentative, les Martiens tentent une deuxième fois de conquérir la Terre mais leurs méthodes ont changé. Pas de rayons de la mort, pas de « tripodes », peu de violence dans cette histoire. Tout commence bien sûr une nuit par l’atterrissage d’un vaisseau martien. Après ? Difficile de savoir exactement. Il semble que les Martiens prennent le pouvoir politique et imposent peu à peu des changements dans la vie des humains. Ils commencent par acheter à bon prix les récoltes de blé et proposent à la place une nouvelle céréale de couleur bleue aux rendements supérieurs. Ils organisent ensuite la collecte contre rétribution du suc gastrique des habitants. Qu’en feront les Martiens ? On ne le saura pas avec certitude mais ils y attachent manifestement un grand prix.
On s’apercevra en cours de route que la consommation des nouvelles céréales augmente la production de suc gastrique. En même temps, les Martiens ou leurs représentants interdiront toutes les drogues et limiteront la consommation de tranquillisants car ces produits nuisent à la production de suc gastrique...
Quelques rares résistants tenteront de s’opposer à l’ «ordre nouveau » mais ils seront vite mis au pas. Seule une opposition policée et inoffensive sera acceptée par les Martiens.
Les personnages ont des noms tirés de la mythologie grecque comme Artémis, Charon ou Achille.
L’histoire est racontée par Apollon, un professeur d’astronomie qui aimerait bien obtenir une retraite de première classe et qui est passionné de philatélie. Le roman est en fait son journal intime daté du premier au quinze juin sans précision d’année. Obsédé par sa passion philatélique, par sa retraite qui n’arrive pas (Ah ! les lenteurs de l’Administration !..), et par ses crises d'eczéma, Apollon reste très terre à terre dans ses réflexions. C’est l’époque qui veut ça. Pas de grandes envolées lyriques sur l’avenir radieux, pas d’exaltation des héros communistes comme dans les oeuvres d’Ivan Efrémov mais des hommes pris dans le quotidien, hommes qui disent même parfois des gros mots (ce qui aurait été impossible encore quelques années plus tôt) et qui se battent ou se soûlent quand leur femme n’est pas là.
Ces hommes seront bien contents de se soumettre au nouveau régime qui leur assurera bien- être et sécurité en échange de si peu de chose...
Le ton satirique est très présent dans la littérature des pays de l’est et a permis aux écrivains de dénoncer les travers de la société socialiste et de prendre leurs distances avec le régime. Après
« 1985 » de György Dalos, en voici une autre réussite.
Sylvain
Note :(1 ) : Un site répertoriant toutes les éditions du chef d’oeuvre de Wells
ICI.
Références :- « De la science-fiction soviétique, par delà le dogme, un univers » par Leonid Heller (éd. L’Age d’Homme, col. Outrepart, 1979), pages 179 à 182.
- Critique par Pascal J. Thomas de « La seconde invasion des Martiens » in revue Fiction n°351 (mai 1984).
Extrait :« Silène suggéra que la civilisation de Mars avait atteint un cul-de-sac du point de vue physiologique et qu’ils ne pouvaient plus fabriquer de suc gastrique, aussi devaient-ils s’en procurer à d’autres sources. Japhet donna son avis depuis le bar et déclara que les Martiens utilisaient le suc gastrique comme ferment pour fabriquer une nouvelle sorte d’énergie.
- Comme l’énergie atomique, ajouta-t-il après réflexion.
Mais cet imbécile de Dimante qui ne s’est jamais distingué par un éclair de fantaisie déclara que le suc gastrique humain était pour les Martiens l’équivalent du cognac, de la bière ou de la vodka au genièvre pour nous et cette déclaration coupa l’appétit de tous ceux qui étaient en train de manger. »« La seconde invasion des Martiens », éd. Fleuve Noir (pages 153 et 154).
Liens complémentaires : - Les livres des frères Strougatski disponibles en russe sont
ICI.
- Ma présentation d'autres textes des frères Strougatski :
"L'île habitée" et
"le cycle de la Forêt".