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Alfred E. Van Vogt : « Le colosse anarchique »
Avec une introduction de l’auteur.
Edition originale : « The Anarchistic Colossus » (1977)
Editions françaises :
1 : édition Albin Michel, collection Super+Fiction n°4 (1978)
2 : édition J’ai lu n°1172 (1981)
Traduction : Georges H. Gallet.
Alfred E. Van Vogt (1912-2000) est un auteur de Science Fiction dont l'oeuvre peut paraître étrange de nos jours. Adulé dans les années 40 et 50, il est un peu oublié aujourd’hui. Auteur de plusieurs textes classiques comme « Le Monde des non-A » (1948), « La faune de l’espace » (1950), « A la poursuite des Slans » (1951), ou la nouvelle « Le village enchanté » (1950), ses derniers romans publiés sont quasiment illisibles et « Le colosse anarchique » fait indubitablement partie de cette catégorie. C’est mal écrit, mal construit, souvent incompréhensible et finalement assez ennuyeux.
Cependant, ce livre a quand même un intérêt : l’auteur tente d’élaborer une société future anarchiste. Il s’en explique dans son introduction dont voici les premières lignes :
« Dans ce roman, j’ai pris pour base que la nature même de l’humanité, et particulièrement celle de l’homme, comme on l’a observé depuis bien longtemps, ne tend pas à s’améliorer. Ainsi ma question n’était pas : quel degré de perfection pouvons-nous espérer à partir des agissements humains ? Mais plutôt : quelle sorte de technologie serait nécessaire pour maintenir un système d’anarchisme en tenant compte de la conduite déplorable du genre humain ? »
(Page 7 de l’édition Albin Michel.)
Pour l’auteur, l’anarchisme est donc un idéal très élevé et il va tenter de lever à sa façon ce que j’appelle le « Dilemme de Versins » qui dit que :
« L’anarchie est à notre goût cette forme de pensée politique selon laquelle nous n’aurions pas besoin de gouvernement si tous les hommes étaient bons, honnêtes et intelligents. » (David Friedman rajouterait
« et si les crocodiles volaient. » )
On savait déjà que Van Vogt ne portait pas forcément l’Etat en haute estime. Deux de ses romans les plus connus « Les armureries d’Isher » (1951) et « Les fabricants d’armes » (1952) décrivent un futur lointain dans lequel le pouvoir de l’Empire est contrebalancé par une guilde d’armuriers dont la devise est « être armé, c’est être libre ». Tout un programme...
La trame du roman « Le colosse anarchique » est constituée par l’arrivée imminente d’une flotte de vaisseaux extraterrestres dont le but est de conquérir la Terre. Ces extraterrestres, les Igs, pratiquent un jeu qui consiste à détruire les races qu’ils jugent inférieures. La conquête de la Terre semble facile car les équipages des vaisseaux censés la protéger sont sous le contrôle hypnotique des Igs...
Du point de vue politique qui nous intéresse ici, l’Etat sur Terre n’existe plus du tout. A en croire les rares informations dispersées dans le livre, des « anarchistes d’extrême-droite » (sic) ont inventé des machines qui surveillent sans répit la population et qui rendent inconscients pour une durée variable les personnes commettant un délit. Ces « ordinateurs Kirlian », du nom de l’« effet » Kirlian (1) réagissent aux modifications des émotions humaines. Si les ordinateurs jugent l’affaire trop grave, on peut être envoyé dans une « école de rééducation ».
A part ça, les gens sont libres...
Ainsi, par exemple, dans les magasins les clients mettent d’eux-mêmes l’argent réglant leurs achats dans les caisses enregistreuses (ils y ont intérêt ! ) Van Vogt a inventé un totalitarisme anarchiste technologique.
Dans cette société future, certaines personnes vivent selon les principes capitalistes, d’autres se disent communistes (ils réclament que l’on modifie la programmation des ordinateurs pour que seules les personnes ne partageant pas l’idéal communiste soient rendues inconscientes...), etc. mais l’auteur ne rentre pas dans les détails.
Bien sûr les extraterrestres ne réussiront pas à envahir la Terre car au dernier moment certains d’entre eux se révolteront et inonderont d’ordinateurs Kirlian leur planète natale, les extraterrestres se convertissant à ce drôle d’anarchisme technologique ! Pauvres extraterrestres !
En conclusion, voici un roman fort mal écrit et dont l’intérêt principal est de montrer que les anarchistes eux-mêmes savent bien que leur idéal est totalitaire.
Sylvain
Note (1) : Pour en savoir plus sur "l'effet Kirlian", voir
ICI ou
LA.
Références complémentaires :
- « Alfred E. Van Vogt : parcours d’une oeuvre » par Joseph Altairac, édition Encrage, collection « Références » n°14 (2000).
- Lien vers un site très complet consacré à Alfred E. Van Vogt (site réalisé par Philippe Raimond).